Par un arrêt du 7 février 2020, la Cour de Cassation a eu l’occasion d’affiner la notion d’agent d’exécution, ce qui peut avoir un impact dans la recherche d’une responsabilité contractuelle ou extracontractuelle.
Dans les hypothèses fréquentes de chaîne contractuelle, la notion d’agent d’exécution peut avoir une importance considérable.
L’agent d’exécution bénéficie en effet d’une quasi immunité vis-à-vis du donneur d’ordres initial :
- Il n’est pas partie au contrat initial, de sorte que sa responsabilité contractuelle ne peut être directement engagée vis-à-vis du premier cocontractant
- Il n’est pas à proprement parler tiers au contrat, au regard de l’exécution du contrat et à l’égard du co-contractant, de sorte que sa responsabilité extracontractuelle ne peut être engagée que dans les conditions strictes du concours des responsabilités (existence d’une faute mixte, à la fois contractuelle et extracontractuelle causant un dommage autre que celui qui résulte de la mauvaise exécution du contrat, sauf infraction pénale).
Compte tenu de son importance pratique, la notion d’agent d’exécution est controversée.
- Selon certains, doivent être considérées comme agents d’exécution, les personnes qui ont reçu, de la part du débiteur, l’obligation d’exécuter une partie ou l’ensemble des obligations issues du contrat principal.
- Pour d’autres, cela vise à la fois la partie qu’un débiteur contractuel s’adjoint dans l’exécution d’une obligation, mais aussi toute personne physique ou morale "dont l’intervention est la condition matérielle de l’exécution d’une obligation contractuelle" , comme un fournisseur de matières premières par exemple.
Dans son arrêt précité, du 7 février 2020, la Cour de Cassation affirme que : "L’agent d’exécution est une personne qu’un contractant s’est substitué pour exécuter une obligation contractuelle". Elle semble donc bien entériner la définition restrictive de l’agent d’exécution.
Ainsi, la conception large de l’agent d’exécution qui inclurait toute personne dont l’intervention est la condition matérielle de l’exécution de ses obligations par le débiteur est dès lors expressément rejetée par la Cour de Cassation, ce que cette dernière a encore confirmé par un arrêt du 12 mars 2020.
Seul celui qui exécute totalement ou partiellement une obligation contractuelle du débiteur principal peut être considéré comme un agent d’exécution. La Cour précise même que les tiers qui ne sont pas chargés de l'exécution d'une obligation du débiteur, tels que ceux qui fournissent au débiteur les choses que celui-ci utilise pour exécuter ses obligations, ne sont, en règle, pas considérés comme des agents d'exécution
Ainsi, et pour illustrer le propos, n’est pas agent d’exécution du fournisseur d’électricité le transporteur haute tension vis-à-vis du client final. De même n’est pas agent d’exécution du vendeur d’huile celui qui loue des cuves de stockage.
Cette définition permet plus largement l’exercice de recours extracontractuels d’un co-contractant principal, vis-à-vis d’un sous-traitant ou d’un fournisseur.
Il faut noter, pour terminer, que le projet de réforme du Code Civil ne retient pas la quasi immunité de l’agent d’exécution. Si ce projet devait être adopté, le créancier principal pourrait engager plus librement la responsabilité extracontractuelle de l’agent, tout en ouvrant, par le projet d’article 5.92 § 2 la possibilité dans le chef de cet agent d’invoquer les clauses d’exonération de responsabilité prévues dans le contrat principal.