Expropriation - Evaluation d’un bien suspecté d’infraction urbanistique

Expropriation - Evaluation d’un bien suspecté d’infraction urbanistique

Conformément au droit commun de la responsabilité, la perte d’un avantage illégal ne constitue pas un dommage réparable dans le chef de la victime.

Appliqué à la matière de l’expropriation, ce principe implique qu’il ne peut être tenu compte, dans le calcul de l’indemnité d’expropriation, de la plus-value acquise par un bien exproprié à la suite de travaux réalisés sans permis, et donc infractionnels.

Dans un arrêt prononcé le 1er mars 2024, la Cour de cassation s’est penchée sur la question de savoir s’il pouvait être exigé du pouvoir expropriant qu’il rapporte, outre la preuve du caractère infractionnel d’un bien exproprié, la preuve de l’absence de toute possibilité de régularisation pour refuser d’indemniser l’avantage illicite né des travaux infractionnels.

A l’origine, un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 17 décembre 2019, qui a tenu compte de l’absence de preuve de toute possibilité de régularisation pour minimiser la moins-value du bien résultant des travaux infractionnels.

Dans cette affaire, après avoir relevé qu’il appartient au pouvoir expropriant de rapporter la preuve de l’existence d’une infraction urbanistique affectant le bien exproprié, la Cour d’appel a constaté l’existence de telles infractions qui ressortaient, non pas d’un procès-verbal d’infraction, mais bien de la comparaison de photographies et de plans démontrant des modifications apportées à l’extérieur et l’intérieur de l’habitation en l’absence de permis d’urbanisme.

Au lieu de confirmer le refus d’indemnisation de cet avantage illicite par le pouvoir expropriant, la Cour d’appel constate qu’il n’est pas rapporté que le bien n’est pas régularisable. Elle en conclut que la moins-value affectant le bien exproprié ne doit retenir qu’une décote inévitable du bien mis sur le marché dès lors qu’une infraction est présente et le coût de la régularisation estimée par l’expert, correspondant à une somme largement inférieure à la valeur des travaux infractionnels.

Sur pourvoi du pouvoir expropriant, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Liège au motif que celui-ci, qui admet l’existence d’infractions urbanistiques et met ensuite à charge du pouvoir expropriant la preuve de l’absence de toute possibilité de régularisation, viole les articles 1315 de l’ancien Code civil et 870 du Code judicaire en vertu desquels chaque partie a la charge de prouver les faits qu’elle allègue.

Ce faisant, elle confirme qu’il n’appartient pas au pouvoir expropriant de rapporter la preuve de l’absence de toute possibilité de régularisation pour refuser d’indemniser la plus-value d’un bien résultant de travaux infractionnels, mais bien à la partie expropriée qui allègue que l’infraction est régularisable.