La qualification de contrat de concession retenue pour un contrat d’exploitation d’une carrière n’empêche pas le Conseil d’Etat de revoir une telle qualification dans le cadre d’une demande en suspension qui serait introduite contre la décision d’attribution de ce contrat.
Par ses arrêts n°s 249.194 et 249.195, rendus le 10 décembre 2020, le Conseil d’Etat s’est penché sur deux recours introduits en suspension d’extrême urgence et par lesquels était contestée la légalité de l’attribution d’un contrat de fortage, soit un contrat visant, moyennant le paiement d’un redevance, l’exploitation d’une carrière.
Si le contrat avait été, en l’espèce, qualifié de concession par l’autorité publique, le Conseil d’Etat, non tenu par une telle qualification, a procédé à l’analyse concrète du contrat de fortage visé afin de déterminer s’il pouvait effectivement être assimilé à un contrat de concession au sens de l’article 2, 7°, de la loi du 17 juin 2016 relative aux concessions.
En effet, dans l’hypothèse d’un tel contrat de concession, la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics, de certains marchés de travaux, de fournitures et de services et de concessions trouve à s’appliquer. Cela a pour conséquence que le simple respect du délai d’introduction du recours en suspension d’extrême urgence – délai de 15 jours à dater de la communication de l’acte - suffit, par lui-même, à établir l’extrême urgence qui justifie l’introduction de la requête en suspension.
A l’inverse, en l’absence d’identification d’un contrat soumis à cette loi du 17 juin 2013, l’urgence à la base de la demande en suspension doit être démontrée, tandis que la requête doit contenir un exposé des faits justifiant l’extrême urgence.
En l’espèce, confirmant son arrêt n°248.148 du 17 août 2020, le Conseil d’Etat précise qu’avant de vérifier le caractère onéreux de l’opération et l’existence d’un transfert du risque d’exploitation, il importe de déterminer si l’opération s’inscrit dans le cadre d’un contrat ayant pour objet l’exécution de travaux ou la prestation et la gestion de services autres que l’exécution de travaux.
Selon le Conseil d’Etat, et dans le cadre d’une analyse réalisée prima facie, le contrat visé n’a d’autre objet que l’octroi et l’aménagement du droit d’exploitation d’une carrière qui s’apparente essentiellement en l’octroi de droits réels sur un bien. Toutefois, le contrat n’a pas pour objet de confier l’exécution de travaux ou la prestation et la gestion de services dès lors qu’un tel objet impliquerait une obligation dans le chef de l’opérateur, susceptible d’être sanctionnée.
Ainsi, l’analyse concrète des documents contractuels ne fait nullement apparaître l’existence d’une telle obligation, le Conseil d’Etat soulignant notamment, à cet égard, que :
- Une redevance forfaitaire est due quel que soit le tonnage réel de pierres extraites ;
- L’exploitation de la carrière n’apparaît pas comme un mode de gestion de services que l’autorité a vocation à offrir à un public d’usagers et répondant aux besoins de ceux-ci ;
- Les quelques obligations imposées à l’opérateur apparaissent comme des contreparties du droit d’exploitation cédé ou des modalités d’exercice de ce droit, mais ne relèvent pas de l’objet même du contrat.
L’opération litigieuse ne pouvant être qualifiée de contrat de concession au sens de l’article 2, 7°, de la loi du 17 juin 2016 relative aux concessions, l’article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat trouve à s’appliquer, ce qui implique la démonstration de l’urgence par les parties requérantes, compte tenu des demandes de suspension introduites.
Sur ce point, les deux recours introduits ont été rejetés par le Conseil d’Etat, ce dernier étant d’avis que les éléments invoqués par les requérantes ne permettaient pas d’établir l’urgence. Etaient notamment invoquées l’opportunité rare que représente l’exploitation d’une carrière ou encore la perte d’une référence significative.