Le 5 février 2013, nous vous avons annoncé l’important revirement de jurisprudence du Conseil d’Etat admettant la recevabilité de recours à l’encontre des schémas de structure communaux.
Jusqu’à l’arrêt DELFOSSE du 24 janvier 2013, 222.247, le Conseil d’Etat avait toujours considéré qu’un Schéma de Structure Communal n’était pas un acte de susceptible de recours au motif que le document n’a qu’une valeur indicative et n’est donc pas susceptible de faire grief (CE, 09 novembre 2006, n°164.590, RAZE ; 16 juillet 2007, n°173.556, ARCQ et VAN TAELEN ; 22 novembre 2007, n°177.008, SPRL GEBROEDERS PIECK).
Mais, désormais, le Conseil d’Etat considère qu’un recours à l’encontre d’un Schéma de Structure Communal est recevable. Il justifie que l’acte fait grief par ces considérations : « le Schéma de Structure Communal exprime donc le sens que doit avoir en principe la décision ultérieure qui s’inscrit dans son champ d’application ; que si ce principe ne s’imposait pas de manière effective, on ne comprendrait pas que le législateur ait consacré tant de soins à l’élaboration et à la modification du Schéma de Structure Communal ainsi qu’à l’évaluation de ses effets ».
Aussi surprenant soit-il, cet arrêt s’inscrit dans la ligne de plusieurs arrêts récents qui montrent un assouplissement des exigences du Conseil d’Etat pour admettre qu’un acte fasse grief et soit donc attaquable devant lui.
Un premier arrêt du 3 juin 2006, 204.674, MERCLOT retient l’attention. Le Conseil d’Etat y admet la recevabilité d’un recours à l’encontre d’un PRU (périmètre de remembrement urbain) dont la doctrine considère qu’il constitue un document à valeur indicative. La portée de cet arrêt portait cependant à question dans la mesure où la recevabilité du recours n’était pas contestée et où la valeur indicative du PRU n’est pas établie par le décret lui-même.
Une nouvelle étape est franchie par un arrêt du 16 décembre 2010, 209.810, DUTRON. Le Conseil d’Etat admet la recevabilité d’un recours à l’encontre d’un RUE (rapport urbanistique et environnemental). Or, cette fois, la valeur indicative du document est clairement établie par le décret et au moins un arrêt précédent avait considéré irrecevable le recours contre les RUE ( C.E., 25 octobre 2007, 176.181, STOLZ). Dans l’arrêt, le Conseil d’Etat met cependant en avant un élément particulier pour justifier la recevabilité du recours : le RUE couvrant une ZACC (zone d’aménagement communal concerté), il modifie l’ordonnancement juridique parce qu’il permet une mise en œuvre de la zone impossible sans son adoption.
Dans la même lancée, le Conseil d’Etat prononce un arrêt le 30 octobre 2012, 221.246, COMMUNE D’AYWAILLE. En l’espèce, la commune sollicite l’annulation de la cartographie de l’aléa d’inondation par débordement de cours d’eau du sous-bassin hydrographique de l’Amblève. La recevabilité du recours est contesté par la partie adverse qui considère que le document n’a qu’une portée descriptive et non normative. Le Conseil d’Etat juge cependant le recours recevable dans la mesure où il a aussi pour objet de classer les biens immobiliers en catégories qui correspondent à des classes d’aléa. Et même si, pour le moment, aucune disposition décrétale ou réglementaire n’attache une conséquence juridique nécessaire au classement d’un bien en telle zone d’aléa, ce classement est susceptible de présenter des inconvénients pour la requérante qui suffisent à établir la recevabilité du recours.
Avec l’arrêt du 24 janvier 2013, le Conseil d’Etat franchit le Rubicon car, cette fois, il prend acte de la valeur indicative du document. Il s’attache cependant à d’autres éléments que cette valeur pour déterminer qu’il fait grief au requérant : l’organisation par le CWATUPE de la procédure d’élaboration et de modification du Schéma de Structure Communal, l’importance accordée par le législateur à l’évaluation de ses incidences, ou encore les rapports établis par le législateur entre le schéma et d’autres documents planologiques ou des autorisations.
Cet arrêt marque-t-il la fin de l’évolution jurisprudentielle ou, au contraire, n’est-il qu’une étape vers l’admission de recours contre tous les actes à valeur indicative ? Le Conseil d’Etat va-t-il continuer à élargir le champ des actes attaquables devant lui ? On pense notamment à une circulaire administrative. Le fait que son élaboration et ses rapports à d’autres actes ne soient pas formellement régis par le législateur sera-t-il de nature, seul, à considérer que la circulaire n’est pas de nature à faire grief alors que tout comme le schéma de structure communal, elle « exprime donc le sens que doit avoir en principe la décision ultérieure qui s’inscrit dans son champ d’application » pour reprendre les termes du Conseil d’Etat ?
Avocat(s)