Dans ses conclusions du 30 avril 2024 dans l’affaire Diarra, le Premier Avocat Général de la CJUE, Monsieur SZPUNAR propose à la CJUE de juger que l’ensemble des règles FIFA litigieuses viole la libre circulation des travailleurs et constitue une restriction de concurrence par objet ne pouvant manifestement pas bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101.3 TFUE.
Dans cette affaire, Le Premier Avocat Général de la CJUE, Monsieur SZPUNAR, a prononcé ce 30 avril ses conclusions dans l’affaire Diarra, dont voici pour rappel la teneur et les enjeux:
- L’affaire "Lassana DIARRA" pose la question de la légalité UE, au regard de la libre circulation des travailleurs et de la libre concurrence, de diverses règles FIFA relatives au système des transferts.
- Ces règles sont contenues dans le "Règlement FIFA sur le Statut et le Transfert des Joueurs".
- Il s’agit notamment de la règle qui, en cas de rupture du contrat de travail par un joueur, condamne le joueur à payer à son ex-employeur une indemnité équivalant à la partie non-amortie de son montant de transfert (montant qui a été défini entre deux clubs, sans que le joueur ait le moindre mot à dire), voire même au montant déboursé par son ex-employeur pour transférer son "remplaçant" et les salaires de celui-ci, ainsi que de la règle qui rend automatiquement l’éventuel futur employeur du joueur co-débiteur solidaire de cette indemnité (ce qui fait fuir tout candidat-employeur).
- Il s’agit également de la règle qui permet à la fédération d’origine de ne pas délivrer de "certificat international de transfert" aussi longtemps qu’un litige est en cours entre le joueur et son ex-employeur, ce qui – en pratique – empêche le joueur d’évoluer pour un autre club durant des mois ou des années.
- Le tout étant assorti de sanctions disciplinaires contre le joueur et contre son futur employeur.
- Toutes ces règles ont pour véritable objet de dissuader tous les joueurs de procéder à une rupture et tout club de les engager, ce qui permet la marchandisation des joueurs, en tant que "actifs financiers», entre clubs ("marché des transferts").
- En quelque sorte, l’affaire "Lassana DIARRA» est l’affaire "BOSMAN 2.0".
- Mais, plus fondamentalement encore, Lassana DIARRA et la FIFPRO demandent à la CJUE de juger si la FIFA, un organisme privé suisse, a la moindre légitimité pour réguler, sur tout le territoire UE, un marché du travail. Selon Lassana DIARRA et la FIFPRO, seuls les Etats membres, au moyen de lois, ou les partenaires sociaux, par des conventions collectives couvertes par une loi, peuvent réguler un marché du travail et donc la "liberté de travail" (consacrée par l’article 15 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE (CDFUE)), qui prévoit que les libertés fondamentales peuvent uniquement être limitées par une loi et dans l’intérêt général). Mais en aucun cas des organismes tels que FIFA, UEFA ou leurs membres.
- Pour rappel, dans ses 3 arrêts "sport" du 21 décembre dernier, la CJUE a clairement jugé que des organismes tels que la FIFA ne bénéficient d’aucun traitement de faveur et doivent respecter le droit UE comme n’importe quelle autre entreprise commerciale.
Dans ses conclusions, le Premier Avocat Général propose notamment à la CJUE de juger que l’ensemble des règles FIFA litigieuses, qui selon lui ont effectivement empêché Monsieur DIARRA de retrouver un nouvel employeur, viole la libre circulation des travailleurs et constitue une restriction de concurrence PAR OBJET, ne pouvant MANIFESTEMENT pas bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101.3 TFUE.
En notre qualité de conseils de Lassana DIARRA, nous nous réjouissons des conclusions prononcées par la Premier Avocat Général et espérons que l'arrêt que prononcera prochainement la CJUE s'inscrira dans la ligne proposée par le Premier Avocat Général. Si tel est le cas, cet arrêt viendra compléter les arrêts ESL et Royal Antwerp FC, du 21 décembre dernier, et constituera alors un nouveau jalon, essentiel, dans la modernisation de la gouvernance du football au sein de l'UE (et peut-être au-delà), en permettant enfin aux partenaires sociaux, les syndicats de joueurs et les syndicats de clubs, de réguler leurs relations de travail. Cela mettra fin à des pratiques dégradantes de marchandisation des joueurs.
En rugby, volley-ball, basketball, handball ou cyclisme, il n'y a pas de système de transferts, ce qui prouve que ce système n'a rien d'indispensable. Nous sommes certains que les syndicats de clubs et de joueurs définiront ensemble un mécanisme plus juste et plus efficace.