Dans un arrêt du 6 février 2023, la Cour de cassation a précisé sa jurisprudence relative à la prise en compte du préjudice subi par l’employeur et de son importance pour apprécier la gravité du motif grave fondant un licenciement sans préavis ni indemnité.
Les faits sont les suivants.
Une employée, occupée en qualité de "finance manager" au sein d’une entreprise, a omis, dans la cadre de sa fonction, de déposer une déclaration TVA dans le délai imparti. L’administration fiscale a donc infligé à l’entreprise une amende et a procédé à une taxation d’office pour cette omission, de telle sorte que l’entreprise en a subi un préjudice important.
L’employeur a décidé de licencier la travailleuse pour motif grave, ce qu’elle a contesté avec succès, devant le Tribunal du travail en première instance puis en appel devant la Cour du travail.
Les juges d’appel ont considéré que les faits étaient constitutifs d’un manquement professionnel (erreurs multiples : omission de déclaration, absence de communication à l’employeur des sanctions infligées, …), mais ils ont refusé de prendre en compte l’importance du préjudice subi par l’employeur pour considérer qu’il y avait un « motif grave » au sens de l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
La Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif que les juges qui refusent d’inclure le préjudice important invoqué par le demandeur dans l’appréciation de la gravité des faits invoqués comme motif grave et qui décident que les faits, s’ils pouvaient effectivement rendre la coopération impossible à terme, ils ne la rendaient pas " immédiatement et définitivement" impossible, méconnaissent la notion légale de "motif grave".
Il n’est pas aisé de savoir ce qu’il faut retenir exactement de cet arrêt. Il était déjà admis en jurisprudence qu’il n’était pas nécessaire que l’employeur ait subi un préjudice ou un préjudice important pour qu’il y ait motif grave (Cass., 6 mars 1996, R.G. 94.0071.F). Il était en revanche admis que le juge puisse inclure ce préjudice et son ampleur dans son appréciation de la gravité des faits (Cass., 28 avril 1997, R.G. S.96.0148.N).
Ici, selon ce nouvel arrêt de la Cour de cassation, la loi n’exige pas que l’employeur ait subi un préjudice pour considérer qu’il y a un motif grave, mais si l’employeur a effectivement subi un tel préjudice (qui plus est relativement élevé), alors son existence et son étendue doivent être pris en compte, au même titre que les autres circonstances de fait entourant le motif à l’origine du licenciement.
Ainsi, la Cour de cassation ne revient pas à proprement dit sur sa jurisprudence antérieure, mais elle la reprécise.