Pour rappel, le cautionnement personnel est encadré par les articles 2011 et suivants du Code civil. Il s’agit d’un contrat par lequel une personne, la caution, s'oblige envers le créancier à payer la dette d'une autre personne, le débiteur principal, au cas où celle-ci ne s'exécuterait pas elle-même.
Le cautionnement réel, quant à lui, n’est pas encadré par notre Code civil mais constitue essentiellement une construction jurisprudentielle et doctrinale. A cet égard, il est admis que le cautionnement réel est un contrat par lequel une personne, la caution réelle, constitue un gage ou une hypothèque, c’est-à-dire une sûreté réelle, sur un ou plusieurs élément(s) de son patrimoine en vue de garantir la dette du débiteur principal .
En conséquence, le cautionnement réel présente une divergence et une convergence avec le cautionnement personnel.
Contrairement à la caution personnelle, la caution réelle ne contracte aucune obligation personnelle à l’égard du créancier de l’obligation principale. La caution réelle ne s’engage pas sur l’intégralité de son patrimoine mais ne s'expose, à défaut de paiement de la dette garantie, qu'à la perte du bien grevé.
Néanmoins, tout comme la caution personnelle, la caution réelle s'engage unilatéralement pour autrui. Son engagement est accessoire par rapport à celui du débiteur principal.
De l’absence de cadre juridique applicable au cautionnement réel sont nées des controverses quant à la nature et au régime juridique applicable audit cautionnement. En substance, ces controverses opposent deux thèses.
Certains auteurs considèrent que le cautionnement réel est purement une sureté réelle et qu’il n’y donc pas lieu de la qualifier de « cautionnement réel » ni de lui appliquer les règles du cautionnement personnel.
D’autres auteurs considèrent, quant à eux, que le cautionnement réel revêt une nature hybride. En effet, selon ces auteurs, si le cautionnement réel constitue une sûreté réelle, il n’en demeure pas moins que les règles applicables en matière de cautionnement personnel trouvent à s’y appliquer pour autant qu’elles ne soient pas incompatibles avec le caractère réel du cautionnement réel.
Par des arrêts du 22 décembre 2006 et du 29 mai 2015, la section néerlandophone de la Cour de cassation a pris position en faveur de cette seconde thèse en précisant que "les règles en matière de cautionnement ne s’appliquent à la caution réelle que dans la mesure où elles sont conciliables avec sa nature".
Alors qu’il semblait que la Cour de cassation avait, ce faisant, mis un terme à la controverse, la section francophone de la Cour de cassation a récemment relancé le débat en prenant position en faveur de la première thèse visée ci-dessus.
Dans son arrêt du 10 décembre 2020, la section francophone dit en effet pour droit que "les règles relatives au cautionnement ne s’appliquent pas à l’engagement du tiers affectant réel".
Ce faisant, la section francophone n’emploie pas les termes « caution réelle » mais leur préfère les termes « tiers affectant réel ». Il y a, de notre point de vue, lieu d’en déduire que la section francophone considère que le cautionnement réel est purement une sûreté réelle et non une sûreté hybride.
De plus, l’affirmation de la section francophone revêt manifestement une portée générale. Outre que cette formulation implique un rejet du critère du caractère "conciliable" de la règle avec la nature du cautionnement réel, il faut selon nous en déduire que la section francophone exclut, de manière générale, l’application des règles en matière de cautionnement personnel au cautionnement réel.
Cette prise de position divergente de la section francophone de la Cour de cassation va inévitablement être source d’insécurité juridique. Une chose est certaine, le cautionnement réel n’a pas fini de faire couler de l’encre.