On sait que la jurisprudence de la Cour de cassation sur l’indemnisation d’un préjudice futur, qu’il soit ménager ou personnel, fait l’objet régulièrement de publications ; la Cour semble admettre que les deux méthodes d’indemnisation puissent être utilisées, selon le cas d’espèce et la motivation retenue par la juridiction.
Lorsqu’il s’agit de procéder à une capitalisation, se noue un second débat sur la question de savoir s’il y a lieu de recourir aux tables stationnaires, ou aux tables prospectives.
- Les tables stationnaires prennent en considération le fait que la longévité actuelle va se maintenir.
- Les tables prospectives partent quant à elles du présupposé que dès lors que l’espérance de vie augmente de manière continue depuis des années, elle va probablement continuer à augmenter dans le futur.
Dès lors que la mise au point d’une telle prospective est statistiquement, complexe et « suppose des choix, il y aura toujours une part d’arbitraire entre de multiples options optimistes ou pessimistes » (vademecum du Tribunal de Police 2012, p.486).
Ce débat n’est généralement envisagé que de manière superficielle devant les juridictions de fond.
Il est pourtant crucial, surtout lorsqu’il s’agit de capitaliser sur une longue période (30, 40 voire 50 ans). Peut –on légitimement penser que durant de telles périodes, l’espérance de vie va continuer à croître de manière continue, et ce alors que certaines études, l’espérance de vie subirait ou risquerait de subir, à bref délai, un contre coup en raison de maladie chronique liée au tabac, à l’obésité, au surpoids, à l’hypertension artérielle, à la pollution, … (www.alimentation-responsable.com/un-constat-inquiétant).
La Cour d’appel de Liège, par un arrêt du 3 avril 2014 a cependant eu l’occasion de préciser que « il n’est pas indiqué d’utiliser des tables prospectives 2012 ventées par l’appelant car ces tables sont aléatoires en ce qu’elles partent du postulat que l’allongement constant de l’espérance de vie est un fait acquis de façon définitive, ce qui n’est pas démontré ».
Ce faisant, la Cour rappelle que la justification des critères de capitalisation repose sur la partie demanderesse ; en l’espèce, la Cour considère que le recours à des tables prospectives, alors qu’il s’agit de capitaliser un préjudice sur approximativement 30 ans, ne justifie pas.
Le Tribunal de Première Instance de Bruxelles siégeant en appel a quant à lui retenu la solution opposée, pour une capitalisation sur approximativement une dizaine d’années, en considérant que « il n’est pas justifié de retenir une table stationnaire qui suppose que données actuelles demeureraient inchangées dans le futur, ce qui n’est pas prouvé en l’espèce et très improbable » (civ. Bruxelles, appel Police, inédit 04/2632/A)
Le débat est donc loin d’être clos, même s’il est certain que la période de capitalisation à prendre en considération est un élément important.