Depuis le mois de février 2018, la plateforme DELIVEROO ne fait appel qu’à des coursiers indépendants.
Dans le cadre d’une procédure menée par l’Auditorat du travail ainsi que par diverses organisations représentatives de travailleurs, l’ONSS et de nombreux coursiers, la Cour du travail de Bruxelles s’est prononcée sur la nature de la relation qui unit l’entreprise DELIVEROO avec les coursiers avec qui elle collabore.
Dans son arrêt, la Cour a suivi un cheminement composé de plusieurs étapes.
Elle a d’abord considéré que DELIVEROO ne pouvait se prévaloir du régime de l’économie collaborative mis en place par la loi-programme du 1er juillet 2016, dite "loi De Croo", faute pour DELIVEROO de réunir les conditions fixées par l’article 90, alinéa 1er, 1°bis du Code des impôts sur les revenus.
Par exemple, les services rendus consistant en la livraison de biens via la plateforme relèvent des services que le législateur a précisément exclu des services appelés à bénéficier du régime de l’économie collaborative.
Ensuite, la Cour s’est penchée sur la qualification de la relation de travail et a rappelé que l’élément essentiel qui distingue le contrat de travail du contrat de prestation de services sur une base indépendante est l’existence d’un lien de subordination.
Pour apprécier l’existence d’un tel lien d’autorité, la Cour s’est basée sur les huit critères dégagés par l’arrêté royal du 29 octobre 2013.
Elle a estimé que six de ceux-ci étaient incontestablement remplis.
Ainsi, la Cour a relevé que :
- Les coursiers ne prennent aucun risque financier ou économique au sein de DELIVEROO ;
- Les coursiers ne disposent pas de responsabilité ni de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de DELIVEROO ;
- Les coursiers n’ont pas de pouvoir de décision concernant la politique d’achat de DELIVEROO ;
- Les coursiers n’ont pas de pouvoir de décision concernant les prestations à prendre en compte pour l’établissement du prix des travaux ;
- Les coursiers n’ont pas d’obligation de résultat à l’égard de DELIVEROO concernant le travail convenu ;
- Les coursiers n’apparaissent pas comme une entreprise vis-à-vis d’autres personnes.
La rencontre de ces critères démontre l’existence d’un lien d’autorité de DELIVEROO à l’égard des coursiers.
Par conséquent, la relation de travail est présumée, jusqu’à preuve du contraire, être exécutée dans les liens d’un contrat de travail.
Faute pour DELIVEROO d’être parvenu à renverser cette présomption et d’avoir démontré l’absence d’un lien d’autorité, la Cour a alors considéré que la relation qui unit DELIVEROO et les coursiers doit être considérée comme une relation salariée et doit donc être requalifiée.
La Cour du travail de Bruxelles opère ainsi une révolution dans ce secteur d’activité. Notamment, à l’inverse de ce que le tribunal du travail francophone de Bruxelles avait jugé pour l’entreprise UBER, la Cour considère que le système de géolocalisation dont est dotée l’application DELIVEROO constitue un outil de contrôle et de surveillance dans le chef de DELIVEROO à l’égard des coursiers.