Désireux de mettre fin aux dérives constatées dans le chef de certains mandataires locaux, le législateur wallon a entendu soumettre ceux-ci à une obligation personnelle et annuelle de déclaration des différents mandats exercés au cours de chaque année écoulée. Cette obligation vise donc les conseillers communaux, provinciaux et d’action sociale, ainsi que les bourgmestres, échevins, présidents de CPAS et députés provinciaux.
Porté par sa volonté plus que louable de transparence et de bonne gouvernance, le législateur wallon a par ailleurs entendu assortir le non-respect de cette obligation annuelle de déclaration de sanctions fortes : la déchéance du mandat et l’inéligibilité pendant six ans.
En juin 2011, le gouvernement wallon a, sur cette base, déchu vingt-cinq conseillers communaux de leur mandat, les privant par la même occasion de leur droit d’éligibilité pour les six années à venir, et donc de la possibilité de participer aux prochaines élections communales.
A la requête d’un des conseillers déchus, le Conseil d’Etat a toutefois été amené à s’interroger sur la constitutionnalité des dispositions du Code wallon de la démocratie locale (Cwadel) organisant la déchéance et l’inéligibilité des élus, ainsi que sur la compatibilité de ces dispositions avec des principes consacrés par le droit international, comme le droit d’être élu (art. 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques), ou encore certains des droits consacrés par la CEDH.
Ainsi, sur le plan constitutionnel, alors qu’un bourgmestre qui se rend coupable d’une « inconduite notoire » encourt une sanction qui peut être limitée à une simple suspension pouvant aller jusqu’à trois mois, le conseiller communal qui omet de rentrer une simple déclaration administrative est, lui, déchu de son mandat et inéligible pendant six ans… Parallèlement, sur le plan du droit international, alors que la Cour européenne des Droits de l’Homme examine habituellement la proportionnalité des peines d’inéligibilité par rapport à des personnes reconnues coupables d’atteinte au régime démocratique ou à la sécurité nationale d’un Etat, peut-on sérieusement estimer qu’elle pourrait valider l’inéligibilité prévue par le Cwadel à l’encontre d’un conseiller certes négligent ?
Interpellé par ces questions, le Conseil d’Etat vient de décider, aux termes d’un arrêt du 10 novembre 2011, d’interroger la Cour constitutionnelle par voie de question préjudicielle.
La Cour devrait ainsi rendre, dans les tous prochains mois, et avant les prochaines élections communales, un arrêt répondant à la question qui lui a été soumise par le Conseil d’Etat, et qui pourrait être synthétisée comme suit : jusqu’à quel point l’exigence contemporaine de transparence peut-elle porter atteinte aux droits fondamentaux d’un citoyen ?