L’article 1022 du code judiciaire prévoit que la partie qui perd un procès doit à la partie qui la gagne une « indemnité de procédure » qui est censée couvrir les frais d’avocats de cette dernière. Les parties sont souvent des particuliers mais parfois aussi des autorités publiques.
La Cour constitutionnelle avait développé une jurisprudence favorable à l’exemption de cette indemnité pour les autorités publiques lorsqu’elles agissent dans l’intérêt général, comme c’est le cas par exemple de l’auditorat du travail, du fonctionnaire délégué ou encore de l’officier de l’état civil.
Suite à cette jurisprudence, le législateur fédéral a pris deux initiatives législatives contradictoires : D’une part, il a décidé, par une loi du 25 avril 2014, qu’ « aucune indemnité n'est due à charge de l'Etat lorsqu'une personne morale de droit public agit dans l'intérêt général, en tant que partie dans une procédure » alors que, d’autre part, dans une loi du 20 janvier 2014, il a introduit la possibilité d’obtenir une telle indemnité de procédure devant le Conseil d’Etat, même lorsque la partie perdante est une autorité publique.
Dans un arrêt n°68/2015 du 21 mai 2015, intervenu sur question préjudicielle, la Cour constitutionnelle a considéré que la loi du 20 janvier 2014 marque une césure dans la position du législateur et que la coexistence du système prévu pour le Conseil d’Etat et pour les juridictions civiles ferait naitre des différences de traitement qui paraissent difficilement justifiables.
La Cour constitutionnelle s’appuie sur cette évolution législative et le risque d’insécurité juridique pour effectuer un revirement de jurisprudence et conclure que désormais les autorités publiques peuvent être soumises au régime de l’indemnité de procédure dans le cadre d’un litige civil même lorsqu’elles agissent dans l’intérêt général.
Dans la lignée de cette arrêt, par l’arrêt du 3 mars 2016, la Cour constitutionnelle annule les articles 17 et 18 de la loi du 25 avril 2014 qui tendaient à dispenser les personnes morales de droit public du paiement des indemnités de procédure dans le cadre d’un litige au civil lorsqu’elles agissent dans l’intérêt général.
Désormais, les autorités publiques peuvent donc être condamnées au paiement d’une indemnité de procédure même lorsqu’elles agissent dans l’intérêt général.
Il est à noter que la Cour constitutionnelle conserve une exception en ce qui concerne l’auditorat du travail qui intente une action sur base de l’article 138bis, §2, du code judiciaire.
Il est encore trop tôt pour déterminer si cette exception restera unique ou si la Cour en développera de nouvelles. Les praticiens ne manqueront pas de rester attentifs aux prochains développements de la jurisprudence.