Par la loi-programme du 27 décembre 2012, la Belgique a instauré une « mesure anti-abus » tendant à lutter contre la fraude au détachement (documents A1).
Selon la loi, il est question d’abus « lorsqu’il est fait application à l’égard d’un travailleur salarié ou indépendant des dispositions des ‘règlements européens
de coordination’ à une situation dont les conditions qui sont fixées dans les règlements (…) ne sont pas respectées, afin de se soustraire à la législation de la sécurité sociale belge qui aurait dû être appliquée à cette situation si les dispositions réglementaires et administratives précitées avaient été correctement
respectées ».
Par l’entremise de cette législation, la Belgique a donné compétence aux juges nationaux, aux institutions de sécurité sociale et aux inspecteurs sociaux, pour constater des abus en matière de détachement. Elle a par ailleurs donné la possibilité d’appliquer d’office la législation de sécurité sociale belge aux travailleurs détachés en Belgique en cas d’abus dans la délivrance des documents A1 par un autre Etat membre.
Par arrêt prononcé par la Cour de Justice européenne le 11 juillet 2018 (affaire C-356/15), la Cour a jugé que la mesure anti-abus précitée est contraire au droit de l’Union.
Selon le ‘Règlement européen de coordination’, les travailleurs détachés demeurent en effet soumis à la législation de l’Etat membre dans lequel ils exercent normalement leurs activités (étant l’Etat dans lequel leur employeur est établi), ce dernier fournissant aux travailleurs détachés un certificat A1 attestant de leur assujettissement à la sécurité sociale de leur pays d’origine. Le ‘Règlement d’application’ prévoit en outre que les documents établis par l’autorité compétente d’un Etat membre s’imposent aux institutions des autres Etats membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par celui qui les a délivrés.
L’approche belge ayant été déclarée non conforme par la Cour de Justice, la Belgique a procédé au retrait de la mesure anti-abus (article 83 de la loi du 21 décembre 2018 portant de dispositions diverses en matière sociale). Le retrait implique que les dispositions sont supprimées avec effet rétroactif, de telle sorte qu’elles sont censées n’avoir jamais existé et n’avoir jamais produit d’effet.
Le retrait des mesures anti-abus ne signifie pas pour autant que les Etats membres dans lesquels des travailleurs sont détachés sont totalement impuissants en cas de fraudes. Nous renvoyons à cet égard à la News du 18 octobre 2018 commentant l’arrêt de la Cour de Justice du 6 février 2018 (CJUE, 6 février 2018, n°C-359/16).