La Cour constitutionnelle s’est récemment prononcée, dans un arrêt du 18 décembre 2014, sur la validité de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
Cette disposition considérait comme licenciement abusif, le licenciement d’un ouvrier engagé pour une durée indéterminée effectué pour des motifs qui n’avaient aucun lien avec l’aptitude ou la conduite de l’ouvrier ou qui n’étaient pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. En cas de contestation, la charge de la preuve des motifs invoqués incombait à l’employeur et non à l’ouvrier licencié. Ce renversement de la charge probatoire induisait donc une présomption de licenciement abusif favorable à l’ouvrier. Enfin, l’employeur qui avait procédé au licenciement abusif d’un ouvrier était redevable d’une indemnité correspondant à six mois de rémunération à cet ouvrier.
Suite à la question préjudicielle posée par le Tribunal du travail de Mons dans un jugement du 9 décembre 2013, la Cour s’est interrogée sur la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Cette question portait sur deux points :
- l’article 63 de la loi sur le contrat de travail faisait reposer la charge de la preuve des motifs du licenciement ou de l’absence d’abus de droit sur l’employeur d’un ouvrier, d’une part, et le sanctionnait à une indemnité forfaitaire correspondant à six mois de rémunération en cas de licenciement abusif, d’autre part, alors que ce n’était pas le cas pour les employés licenciés ;
- cette disposition accordait un régime favorable à l’ouvrier licencié alors même qu’il bénéficiait d’un préavis dérogeant à l’article 59 de la loi du 3 juillet 1978 et donc d’un délai de préavis se rapprochant de celui de l’employé.
La Cour a confirmé sa jurisprudence antérieure et a relevé, une fois encore, la volonté de parvenir à une harmonisation progressive entre les statuts d’ouvrier et d’employé.
Elle a considéré qu’à l’heure actuelle, de tels critères de distinction n’avaient plus de raison d’être maintenus, et constaté que les employés ne disposent plus de garanties disproportionnées par rapport aux ouvriers.
La Cour constitutionnelle a dès lors déclaré l’article 63 inconstitutionnel.
La Cour a toutefois relevé le risque d’insécurité juridique qu’aurait pu engendrer la brusque abolition de cette disposition. C’est pourquoi, elle a décidé de maintenir les effets de l’article 63 de la loi relative aux contrats de travail jusqu’au 1er avril 2014, date de l’entrée en vigueur de la Convention collective de travail n° 109 du 12 février 2014, concernant la motivation du licenciement et la notion de « licenciement manifestement déraisonnable ».
Comme l’a relevé la Cour constitutionnelle dans son arrêt, de nouvelles mesures ont en effet été prises pour rapprocher davantage les deux catégories de travailleurs. Il s’agit notamment de mesures concernant les délais de préavis ou concernant les mesures de protection contre les licenciements.
C’est le cas de la C.C.T. n° 109 applicable aux employeurs relevant du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, c’est-à-dire uniquement pour les employeurs relevant du secteur privé.
Toutefois, force est de constater que, dans son arrêt, la Cour constitutionnelle n’a pas opéré de distinction entre le secteur privé et le secteur public. Or, aucun régime analogue à la C.C.T. n° 109 n’a encore été prévu pour les employeurs relevant du secteur public.
Qu’en est-il alors de ces travailleurs du secteur public qui ne bénéficient désormais plus des avantages de l’article 63 de la loi relative aux contrats de travail, mais qui ne bénéficient pas encore non plus de mesures de protection contre le licenciement, telles que celles prévues par la C.C.T. n° 109 ?
La question reste à ce jour en suspens.