Les nouvelles règles de procédure pénale : l’appel et l’opposition

Le 19 février 2016, a été publiée au Moniteur Belge,  la  Loi du 5 février 2016 modifiant le droit pénal et la  procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice. Cette loi, dite pot pourri II, a notamment modifié de façon substantielle les règles applicables à l’opposition et à l’appel en matière pénale et ce, depuis ce 1er mars 2016.

  • L’opposition : L’article 187 du Code d’instruction criminelle est modifié comme suit :

    « §5. L’opposition sera déclarée irrecevable notamment :
    1° sauf cas de force majeure, si elle n’a pas été signifiée dans les formes et délais légaux;
    2° si le jugement attaqué n’a pas été rendu par défaut;
    3° si l’opposant a interjeté préalablement un appel recevable contre la même décision ;

    § 6. L’opposition sera déclarée non avenue:
    1° si l’opposant, lorsqu’il comparaît en personne ou par avocat et qu’il est établi qu’il a eu connaissance de la citation dans la procédure dans laquelle il a fait défaut, ne fait pas état d’un cas de force majeure ou d’une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou de l’excuse invoquée restant soumise à l’appréciation souveraine du juge;
    2° si l’opposant fait à nouveau défaut sur son opposition, et ce dans tous les cas, quels que soient les motifs des défauts successifs et même si l’opposition a déjà été reçue.
    ».

    Avant la modification, l’article 187 prévoyait uniquement que si l'opposition n'avait pas été signifiée dans les quinze jours qui suivent la signification du jugement, il pouvait être procédé à l'exécution des condamnations.

    La condamnation était comme non avenue par suite de l'opposition.

    L’opposition était non avenue si l'opposant (ou son avocat) n'y comparaissait pas et le jugement rendu sur l'opposition ne pouvait être attaqué par la partie qui l'avait formée, si ce n'est par appel.

    la modification est majeure : l’opposition peut être déclarée nulle et non avenue si l’opposant ne fait pas état d’un cas de force majeure ou d’une excuse légitime justifiant son défaut lors de la procédure attaquée, la reconnaissance de la force majeure ou de l’excuse invoquée restant soumise à l’appréciation souveraine du juge. Il s’agit là d’une véritable révolution.

    Il ne sera donc plus question « d’oublier » une audience et de revenir devant son juge sans une excuse légitime ou un cas de force majeure. La force majeure qui justifie la recevabilité de l'opposition formée ne peut résulter que d'une circonstance indépendante de la volonté de la partie opposante et que celle-ci ne pouvait nullement prévoir ou conjurer (Cour de Cassation - arrêt n° F-20100427-3 (P.09.1847.N) du 27 avril 2010).

    L’excuse légitime est notion qui ne se confond pas avec la force majeure, mais qui n’est pas encore définie d’un point de vue juridique : on suppose qu’il s’agit d’un obstacle matériel, juridique ou économique sérieux.

    En tout état de cause, tant la force majeure que l’excuse resteront soumises à l’appréciation du juge. En d’autres termes, il appréciera, en fait, si le motif du défaut qui lui est soumis lui semble un motif légitime.

    La décision qui interviendra sur l'opposition pourra être attaquée par la voie de l'appel, ou, si elle a été rendue en degré d'appel, par la voie d'un pourvoi en cassation. L'appel dirigé contre la décision déclarant l'opposition non avenue saisit le juge d'appel du fond de l'affaire même si aucun appel n'a été formé contre le jugement rendu par défaut (article 187/9). Cela signifie que si le tribunal estime le motif du défaut non légitime, l’opposant débouté pourra interjeter appel et le juge d’appel pourra connaître du fond de l’affaire et l’opposant aura ainsi perdu un degré de juridiction.

    Ces nouvelles dispositions sont applicables pour les défauts intervenus après le 29 février.

  • L’appel
    • Les délais sont modifiés :
      • Selon l’article 203 §1er, le délai d’appel du prévenu passe de 15 jours à 30 jours.  Si un jugement est prononcé le 1er mars, le dernier jour utile pour interjeter appel est le 31 mars.
      • Le ministère public dispose d’un délai supplémentaire de dix jours pour interjeter appel, après que le prévenu ou la partie civilement responsable a interjeté appel.
      • Selon le § 2, lorsque l'appel est dirigé contre la partie civile, celle-ci a un délai supplémentaire de dix jours pour interjeter appel contre les prévenus et les personnes civilement responsables qu'elle entend maintenir à la cause, sans préjudice de son droit de faire appel incident. Auparavant, ce délai était de 5 jours.
    • La nouvelle requête d’appel :
      L’une des modifications saillantes de la loi est assurément l’obligation de motiver le recours en appel d’une décision de police ou correctionnelle par le dépôt d’une requête précisant les griefs.

      L’article 204 prévoit, à peine de déchéance de l’appel, que la requête indique précisément les griefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement et est remise, au greffe du tribunal qui a rendu la décision ou au greffe du tribunal ou de la Cour où l’appel est porté. Elle est signée par l’appelant, son avocat ou tout autre fondé de pouvoir spécial. Un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peut être utilisé à cette fin. La présente disposition s’applique également au ministère public.

      Autrefois, l’avocat se contentait de signer un acte d’appel « contre toutes les dispositions civiles et/ou pénales du jugement ». Aujourd’hui, l’avocat doit déposer une requête et mentionner ce qu’il conteste, soit la culpabilité, la qualification de l’infraction, les règles de procédure, le taux de la peine, la prescription, la recevabilité de l’action civile, l’évaluation du dommage etc. Si l’avocat est compétent pour ce faire, qu’en sera-t-il d’un particulier qui ne connaît pas les règles de droit ω

      Le ministère public près le tribunal ou la Cour qui doit connaître de l'appel devra, à peine de déchéance, notifier son recours soit au prévenu, soit à la partie civilement responsable de l'infraction, dans les quarante jours à compter du prononcé du jugement (article 205).

      Les conséquences de l’obligation de motivation de l’appel ressortent de l’article 210 : outre les griefs repris dans la requête d’appel, comme prescrit à l’article 204, le juge d’appel ne peut soulever d’office que les moyens d’ordre public portant sur les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ou sur:
      • sa compétence;
      • la prescription des faits dont il est saisi;
      • l’absence d’infraction que présenteraient les faits dont il est saisi quant à la culpabilité ou la nécessité de les requalifier ou une nullité irréparable entachant l’enquête portant sur ces faits.
      En d’autres termes, le juge d’appel est saisi uniquement sur base des griefs contenus dans la requête, hormis les 3 exceptions citées ci-avant. Dans ce cas, les parties doivent en débattre.
    • De nouvelles règles s’appliquent au désistement de l’appel :
      • Les parties à la cause peuvent se désister de l’appel ou limiter celui-ci, par une déclaration, déposée au greffe du tribunal ou de la Cour qui doit connaître de l’appel.
      • Le prévenu et, le cas échéant la partie civile, ou leurs avocats, sont informés du désistement ou de la limitation du ministère public dans les vingt-quatre heures.
      • Les parties à la cause peuvent également, à l’audience, se désister de l’appel ou limiter celui-ci.
      • Le désistement ou la limitation de l’appel peut être retiré jusqu’à ce que la Cour ou le tribunal qui doit connaître de l’appel en donne acte.
      • En cas d’appel portant sur l’action civile, la partie contre laquelle est dirigé l’appel peut toutefois décider de refuser le désistement si un appel incident a été interjeté.
Il faut ainsi relever, en synthèse, que cette loi dite Pot Pourri 2 apporte des modifications substantielles visant à limiter ou à compliquer les appels, et ce dans une perspective budgétaire ; il va certainement falloir un temps certain pour que les plaideurs, les magistrats mais aussi les justiciables s’y familiarisent.
Advoc(a)at(en)