Dans un arrêt n° 234.014 du 3 mars 2016, SA Clear Channel Belgium, le Conseil d’Etat s’est penché sur la prolongation de la durée initiale d’une concession de services.
Une concession de services a été accordée pour une durée de 15 ans et prolongée, en cours d’exécution, pour un délai d’environ deux ans.
L’un des concurrents du concessionnaire a mis en cause cette prolongation, estimant qu’elle constituait une révision d’un élément essentiel du contrat ayant pour effet tant d’étendre le marché dans le temps que d’en changer l’équilibre économique en faveur du concessionnaire et s’apparentant en conséquence à la conclusion d’un nouveau marché.
La règlementation relative aux marchés publics ne s’applique pas au contrat de concession de services.
Le Conseil d’Etat a toutefois confirmé que les enseignements de l’arrêt Pressetext du 19 juin 2008 C-454/06 de la Cour de justice de l’Union Européenne pouvaient être appliqués au cas d’espèce, soit :
« En vue d’assurer la transparence des procédures et l’égalité de traitement des soumissionnaires, des modifications apportées aux dispositions d’un marché public pendant la durée de sa validité constituent une nouvelle passation de marché au sens de la directive 92/50 lorsqu’elles présentent des caractéristiques substantiellement différentes du marché initial et sont, en conséquence, de nature à démontrer la volonté des parties de renégocier les termes essentiels de ce marché.
La modification d’un marché public en cours de validité peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure de passation initiale, auraient permis l’admission de soumissionnaires autres que ceux initialement admis ou auraient permis de retenir une offre autre que celle initialement retenue…
De même, une modification du marché initial peut être considérée comme substantielle lorsqu’elle étend le marché, dans une mesure importante, à des services non initialement prévus ...
Une modification peut également être considérée comme substantielle lorsqu’elle change l’équilibre économique du contrat en faveur de l’adjudicataire du marché d’une manière qui n’était pas prévue dans les termes du marché initial ».
Sur ces bases, le Conseil d’Etat a, en l’espèce, considéré que :
- Il n’est pas allégué que l’augmentation de la durée de la concession aurait à elle seule permis l’admission de candidats autres que ceux initialement admis ou de retenir une offre autre que celle qui a été retenue ;
- Dans le contentieux objectif de la légalité d’une décision, il est sans intérêt de s’interroger sur la cause du retard à l’origine de la prolongation, retard dont la réalité n’est pas contestée
- Ce retard a pu justifier que, pour maintenir l’équilibre économique de la convention tel qu’il avait été conçu lors de sa conclusion, le terme de la concession soit reporté ;
- L’allongement de la durée porte sur environ sur 12 % de celle-ci. Une telle augmentation, inférieure à la limite de 15 % établie par l’article 37 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics et des concessions de travaux publics – non applicable en l’espèce et postérieur à la décision attaquée mais qui peut fournir un point de comparaison pertinent – ne peut être regardée comme substantielle.
Le Conseil d’Etat admet dès lors que la prolongation du contrat de concession de services n’implique pas nécessairement une nouvelle mise en concurrence.
Au regard du raisonnement suivi par le Conseil d’Etat, cet enseignement est transposable aux marchés publics.