Choix stratégiques en matière de brevet unitaire

Choix stratégiques en matière de brevet unitaire

Ce 1er juin prochain, des changements importants en matière de brevet européen entreront en vigueur: le brevet unitaire et la juridiction unifiée du brevet

Cet article est le troisième et dernier de la série commentant les différents changements apportés à la protection des brevets au sein de l’Union européenne par le Règlement sur le brevet unitaire et par l’Accord relatif à la juridiction unifiée du brevet.

Introduction

L’entrée en vigueur du Règlement sur le brevet unitaire permettra aux brevets européens de bénéficier d’un effet unitaire au sein de (presque) toute l’Union européenne. Ces brevets seront, en principe, soumis à la compétence d’une juridiction unifiée nouvellement créée.

Cependant, tel que nous l’avons déjà évoqué, ce nouveau brevet ne supprime pas la possibilité de demander un brevet européen classique, se composant de plusieurs demandes nationales. Dans ce cas, les juridictions nationales de chaque état visé par la demande de brevet européen demeurent compétentes pour connaître des litiges y relatifs.

Il sera, enfin, possible de combiner un brevet européen classique avec une compétence de la juridiction unifiée. 

Dans les lignes qui suivront, nous ferons le point sur les avantages et les inconvénients des différents choix qui s’offrent aux inventeurs.

Avantages 

Le plus grand avantage est d’ordre économique : les coûts associés à la délivrance d’un brevet unitaire, incluant les frais de traduction et de maintien en vigueur, seront, sans doute, moindres que ceux associés à la délivrance d’un brevet national dans chacun des pays liés par le Règlement sur le brevet unitaire. 

Par ailleurs, le recours à la juridiction unifiée évitera aux inventeurs de devoir poursuivre les actes de contrefaçon devant chaque juridiction nationale où le brevet est en vigueur.

Inconvénients

Le premier avantage est contrebalancé par le fait que les taxes de maintien et de renouvellement du brevet sont calculées conformément aux taxes annuelles combinées dues dans quatre pays où les brevets européens ont été validés le plus souvent en 2015, soit l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui font également partie des pays où il est le plus cher de déposer une demande de brevet.

Le second avantage, quant à lui, est compensé par le fait qu’une décision de la juridiction unifiée invalidant le brevet aura un effet dans l’ensemble des Etats Membres contractants, là où une décision d’une juridiction nationale n’aura d’effet que sur le territoire dont elle relève.

Une troisième voie : la possibilité d’opt-out

La juridiction unifiée connaitra de tous les litiges relatifs aux brevets européens classiques et aux brevets à effet unitaire. Cependant, jusqu’au 1er juin 2030, les juridictions nationales resteront également compétentes, en même temps que la juridiction unifiée, pour les brevets européens classiques.

Pour ces derniers, leurs titulaires peuvent, par ailleurs, déroger ("opt-out") à la compétence exclusive de la juridiction unifiée par simple notification au greffe, à tout moment, au plus tard, jusqu’au 1er juin 2030. Il est également possible de notifier cette volonté de dérogation avant même l’ouverture des portes de la juridiction, à partir du 1er mars 2023. 

En cas de dérogation, l’inventeur sera certain que seules les juridictions nationales seront compétentes pour connaître des litiges relatifs à son brevet européen et qu’il ne pourra y avoir de compétence partagée entre celles-ci et la juridiction unifiée.

Choix stratégiques

Notre premier conseil tient au choix du brevet (brevet unitaire ou brevet européen classique).
Ce choix sera sans doute guidé, en partie, par une comparaison des coûts engendrés par le dépôt d’une demande de brevet unitaire ou d’une demande de brevet européen classique.

Ainsi, les inventeurs avec des intérêts commerciaux dans quelques pays européens seulement auront sans doute moins tendance à solliciter un brevet unitaire que les inventeurs ayant des intérêts commerciaux dans l’ensemble de l’Union européenne. Cela sera d’autant plus vrai si le montant cumulé des taxes des pays où ils envisagent de déposer leur brevet est moindre que le montant des taxes exigées pour le maintien et le renouvellement d’un brevet unitaire.

Notre second conseil a trait à la décision d’exercer l’opt-out ou non.

Ce choix devra être guidé par une analyse de la force du brevet : si celui-ci est faible (peu de nouveauté et/ou d’activité inventive) et présente, dès lors, un plus grand risque d’invalidation, déroger à la compétence de la juridiction unifiée peut être avantageux puisque toute personne souhaitant en contester la validité devra agir devant les juridictions de chaque Etat ayant été désigné dans la demande de brevet européen.

Cette analyse peut également guider le choix de faire une demande de brevet unitaire ou non.

Si déroger à la compétence de la juridiction signifie également renoncer à pouvoir agir en contrefaçon devant un seul tribunal pour poursuivre des actes de contrefaçon commis dans plusieurs Etats, il est également possible de renoncer à l’opt-out à tout moment. Dès lors, le titulaire du brevet pourra tout de même bénéficier de la compétence de la juridiction unifiée.

Conclusion

En résumé, la réforme des brevets européens apportera, notamment, les changements suivants : 

  • La création d’un brevet à effet unitaire ;
  • La création d’une juridiction unifiée pour connaître des litiges concernant les brevets à effet unitaire et les brevets européens classiques ;
  • La possibilité de faire relever ou non de la compétence de la juridiction unifiée les brevets européens classiques déjà en vigueur.

Face à ces nouveautés, les inventeurs devront poser plusieurs choix stratégiques afin de déterminer la solution qui leur est la plus adaptée.
 

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