Les troubles de voisinage : sans faute mais imputables !

Les troubles de voisinage

"Nul ne peut être obligé de compenser un trouble anormal de voisinage que si ce trouble a été causé par un fait, une omission ou un comportement qui lui est imputable, fût-il exempt de toute faute". C’est un principe bien établi.

Deux décisions récentes illustrent ce principe.

Le 24 juin 2019, la Cour de cassation tranche l’espèce suivante. Un hêtre (ou un chêne ? enfin hêtre ou ne pas hêtre, là n’est pas la question…) présent sur une propriété avait, par le gonflement et le dégonflement de ses racines en fonction des variations de l’humidité, provoqué des dommages au bâtiment voisin. L’expert avait considéré que les propriétaires de l’arbre l’entretenaient de façon raisonnablement prudente, qu’ils n’avaient pu qu’être surpris par le phénomène et que, dès qu’ils en avaient été avertis, ils avaient étêté l’arbre, mettant fin au phénomène, si bien qu’aucune faute ne pouvait leur être reprochée. Ils avaient été confrontés à un cas fortuit.

Ce sur quoi, la Cour d’appel de Liège les avait absouts. La Cour de cassation casse cet arrêt. Même si l’omission reprochée au propriétaire du hêtre ne peut leur être reprochée (pas de faute), elle leur est bien imputable et cela suffit à les obliger à compenser le trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage qui en découle.

Le 27 septembre 2016, la Cour d’appel de Liège a tranché un autre litige. Un pouvoir public avait confié à une entreprise le soin de, notamment, peigner un massif rocheux menaçant. Au cours des travaux, par manque de précaution, des rochers s’éboulent et tombent sur une voie ferrée. Cela entraine le déraillement d’un train.

Le manque de précaution est établi. L’entrepreneur est donc responsable du dommage qui en découle. Le simple fait, pour le pouvoir public, d’avoir confié le marché à l’entrepreneur fautif ne peut constituer une faute qui engage aussi la responsabilité de ce pouvoir public. Mais l’action de l’entrepreneur qui a engendré l’éboulement était "inhérente" au travail qui lui avait été confié.

Le pouvoir public doit donc également en répondre sur la base de la théorie des troubles de voisinage. Et le fait que le marché prévoyait que l’entrepreneur serait responsable de tous dégâts provoqués son entreprise autorise bien le pouvoir public à se retourner contre lui mais n’est pas opposable aux tiers lésés. Le pouvoir public est donc également tenu d’indemniser ces tiers (les chemins de fer en l’occurrence), concurremment avec l’entrepreneur (in solidum).
 

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