Dans la continuité de sa communication intitulée « Faire des marchés publics un outil efficace au service de l’Europe » [COM (2017) 572], la Commission européenne a publié, ce 18 mars 2021, une communication relative aux outils de lutte contre la collusion dans les marchés publics et aux orientations sur la manière d’appliquer le motif d’exclusion lié à la collusion prévu dans les directives sur les marchés publics.
La notion de "collusion", également dénommée "soumission concertée", s’entend comme tout accord illégal conclu entre des opérateurs économiques dans le but de fausser la concurrence dans les procédures de passation des marchés.
La communication du 18 mars 2021 dévoile des lignes directrices axées sur trois points :
- Le renforcement de la capacité administrative pour garantir le bon déroulement de la procédure d’attribution d’un marché ;
- La coopération entre les autorités nationales chargées des marchés publics et les autorités de la concurrence ;
- L’utilisation, à bon escient, du motif d’exclusion lié à la collusion prévu dans les directives de 2014 sur les marchés publics.
L’objectif est d’aider efficacement les États membres et leurs pouvoirs adjudicateurs à contrer le problème de la collusion, dès la phase de passation du marché.
Consciente du rôle essentiel du responsable du marché, la Commission européenne s’adresse principalement à ce dernier en lui conseillant de bonnes pratiques à adopter.
Ces conseils portent sur la manière de :
- Concevoir les procédures de passation de marchés afin de prévenir la collusion entre les soumissionnaires ;
- Détecter les situations potentielles de collusion lors de l’évaluation des offres ;
- Réagir à un cas de collusion présumée.
La lutte contre la collusion passe par une meilleure compréhension de cette problématique par le personnel chargé des procédures de passation des marchés publics.
À titre illustratif, les pratiques collusoires sont, notamment :
- La fixation préalable du contenu d’une offre afin d’influencer l’issue de la procédure ;
- L’absence de soumission d’une offre ;
- Le départage des marchés publics selon une base géographique, selon l’objet du marché ou en fonction du pouvoir adjudicateur ;
- La mise en place de système de rotation pour un certain nombre de procédures.
La prévisibilité des procédures de passation mises en place par les pouvoirs adjudicateurs accroît les pratiques collusoires.
Face à ce constat, la Commission européenne invite les pouvoirs adjudicateurs à :
- Viser une participation la plus large possible des soumissionnaires ;
- Effectuer une étude minutieuse du marché ;
- Éviter la répétition des procédures de passation identiques ;
- Planifier et lancer les procédures de passation suffisamment tôt ;
- Envisager le recours à l’achat groupé ;
- Encourager une procédure maximale des opérateurs économiques ;
- Sensibiliser les opérateurs économiques aux conséquences potentielles de la collusion et les dissuader de s’y livrer.
La détection de collusion au stade de l’analyse des offres permet d’éviter les effets préjudiciables de celle-ci sur les finances publiques.
La Commission européenne souligne l’importance de s’attaquer à la collusion avant l’attribution du marché. Dans le cas contraire, la lutte contre les accords collusoires est amoindrie, dans la mesure où leurs effets négatifs se seront déjà produits.
Afin d’aider les pouvoirs adjudicateurs dans cette tâche, elle formule une liste non-exhaustive de signaux d’alerte susceptibles de mettre en lumière une collusion potentielle :
- La présence d’indices révélateurs suggérant que certaines offres ont été préparées par la même personne ou coordonnées entre soumissionnaires (par exemple, les offres de différentes entreprises comportent une typographie ou des erreurs de calcul similaires ou un nombre élevé de prix identiques pour certains postes du marché) ;
- La soumission d’offres "de couverture", c’est-à-dire d’offres qui n’ont aucune chance de remporter le marché ou qui ne sont pas destinées à le remporter ;
- L’apparition d’un schéma de réponse aux appels d’offres fondé sur des procédures antérieures de passation de marchés similaires (par exemple, les opérateurs économiques proposent systématiquement des prix élevés dans le cadre de certaines procédures et des prix bas dans d’autres pour le même type de travaux, de fournitures ou de services) ;
- Le fait que le soumissionnaire retenu sous-traite des travaux à des soumissionnaires évincés pour le même marché ;
- La soumission d’une offre par un consortium d’opérateurs économiques alors qu’ils auraient pu déposer des offres en leur nom propre ou dont la participation en nom propre était attendue ;
- Les offres soumises par des opérateurs économiques qui sont liés d’une manière ou d’une autre (par exemple, les offres sont déposées par une société mère et sa filiale ou par deux sociétés appartenant au même groupe). ;
Les pouvoirs adjudicateurs disposent d’une large marge d’appréciation lorsqu’il s’agit d’exclure un soumissionnaire soupçonné de collusion.
Le droit de l’Union européenne (article 57, § 4 de la directive 2014/24/UE) et le droit belge (article 69, 4° de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics) consacrent la collusion comme motif facultatif d’exclusion des opérateurs économiques des procédures de passation des marchés.
Le caractère facultatif de ce motif laisse aux pouvoirs adjudicateurs une large marge d’appréciation lorsqu’ils doivent exclure ou maintenir un soumissionnaire de la procédure de passation, dès lors qu’ils disposent d’éléments suffisamment plausibles de collusion.
À cet égard, il revient, uniquement, au pouvoir adjudicateur d’apprécier de manière indépendante si un opérateur économique doit être exclu d’une procédure de passation spécifiée (Voy. not. C.J.U.E., arrêt du 3 octobre 2019, Delta Antrepriza, C-267/18). Cela étant, la Commission européenne encourage les pouvoirs adjudicateurs à contacter l’autorité nationale de la concurrence ou l’autorité centrale chargée des marchés publics dans pareil cas.
Toutefois, cette faculté d’exclure un opérateur économique comporte certaines limites :
- Un soumissionnaire peut prouver sa fiabilité en soumettant au pouvoir adjudicateur les preuves attestant qu’il a pris des mesures correctrices suffisantes pour remédier aux effets négatifs de sa faute. Il s’agit des mesures d’"auto-réhabilitation" ;
- Le principe de proportionnalité s’applique à la phase d’appréciation d’un cas potentiel de collusion ;
- La décision du pouvoir adjudicateur doit être dûment documentée et motivée.
Pour de plus amples informations, nous vous invitons à consulter la communication dans son intégralité disponible ici.