L’article 5 de la loi du 1er mars 2000 créant un Institut des juristes d’entreprise dispose que « Les avis rendus par le juriste d’entreprise, au profit de son employeur et dans le cadre de son activité de conseil juridique, sont confidentiels ».
La portée de cette disposition vient d’être précisée par un important arrêt de la cour d’appel de Bruxelles.
Dans le cadre d’une plainte déposée par deux concurrents, l’auditeur près le Conseil de la concurrence avait procédé à une perquisition dans les bureaux de Belgacom. Plusieurs documents et fichiers digitaux avaient été saisis. Certains contenaient des mails de membres du personnel. L’auditeur avait refusé de les considérer comme confidentiels.
Belgacom introduisit un recours devant la cour d’appel de Bruxelles contre la décision refusant la confidentialité. Elle invoqua le legal professional privilege qui couvre les avis émanant de juristes d’entreprise. L’Institut des juristes d’entreprise fit intervention volontaire dans la procédure.
Par arrêt du 5 mars 2013 (J.L.M.B., 2013, p. 1136, avec des obs. de J.-P. Buyle et D. Van Gerven), la cour d’appel de Bruxelles a, d'une part, validé la confidentialité des avis des juristes d’entreprise et a, d’autre part, considéré que des juristes d'entreprises n'étaient pas tenus au secret professionnel, au sens de l'article 458 du code pénal.
Dans la droite ligne des arrêts A&M et Akzo de la Cour de justice de l’Union européenne (C.J.U.E., 18 mai 1982, A&M, E.C.R., 1982, 1575 ; C.J.U.E., 14 septembre 2010, Akzo, J.L.M.B., 2010, p. 1400. Signalons encore un arrêt de la Cour suprême du Royaume-Uni du 23 janvier 2013, qui refuse d’étendre le secret professionnel des avocats aux comptables et autres professionnels actifs dans le domaine du conseil juridique (en savoir plus), la cour rappelle d’abord que les juristes d’entreprises ne sont pas soumis au secret professionnel. Ils ne peuvent être considérés comme des confidents nécessaires indépendants (c’est pour la même raison que la Cour de justice de l’Union européenne considère comme irrecevables les recours qui lui sont soumis par des avocats d’entreprise (C.J.U.E., 6 septembre 2012, PUKE, J.L.M.B., 2012, p. 1792). L’article 458 du code pénal ne s’applique donc pas aux avis ou consultations qu’ils donnent à leurs employeurs.
Mais, en adoptant la loi du 1er mars 2010, le législateur a voulu que les juristes d’entreprises disposent d’une liberté suffisante pour pouvoir conseiller leurs employeurs en toute franchise, ce qui impliquait qu’ils aient l’assurance que leurs avis seraient protégés par la confidentialité.
Cette confidentialité, à l’instar du secret professionnel, doit prévaloir sur les nécessités de la concurrence. Comme le secret professionnel, elle est susceptible de céder devant une valeur plus importante (état de nécessité, par exemple) mais il ne peut en être ainsi que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles (Comparez (à propos des dispositions qui visent à prévenir le blanchiment de capitaux) C. C., 23 janvier 2008, J.L.M.B., 2008, p. 180 et obs. F. Abu Dalu).
Elle ne couvre cependant que les avis rendus (1) par ceux qui portent le titre de juriste d’entreprise (protégé par la loi du 1er mars 2000, qui définit les conditions auxquelles ce titre peut être porté) (2) au profit de leur employeur (3) dans le cadre de leur activité juridique. La confidentialité ne couvre donc pas l’activité du juriste d’entreprise dans sa totalité mais seulement certains des avis qu’il rend. Elle est réelle plutôt que personnelle.
Il en découle que les avis rendus par un diplômé en droit travaillant dans un service administratif, ou les avis adressés à la clientèle de l’entreprise, ou ceux qui sont donnés par un consultant indépendant, extérieur à l’entreprise, ou par un médiateur, par exemple, ne bénéficient pas de cette confidentialité.
Rechtsanwält(e)