Dans un arrêt du 28 avril 2016, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur l’étendue de la notion de « dépens » en matière d’accident du travail qui, à l’exception des procédures téméraires et vexatoires, sont toujours à charge de l’assureur loi. Dans ce cadre, il appartenait à la Cour constitutionnelle de répondre à la question formulée comme suit : la circonstance que les dépens ne couvrent pas les frais liés à l’assistance d’un médecin-conseil alors que les frais et honoraires d’avocat sont couverts forfaitairement par l’indemnité de procédure est-elle contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ?
Les circonstances de la cause étaient les suivantes : un travailleur, victime d’un accident de travail sollicitait la condamnation de l’assureur-loi, dans le cadre d’un litige principalement médical, à prendre en charge les frais d’assistance de son médecin-conseil. Il invoquait une discrimination par rapport aux victimes d’un accident du travail dont le litige est essentiellement lié à des questions juridiques et pour lesquels les frais sont forfaitairement couverts par les « dépens » par le biais de l’indemnité de procédure. Par ailleurs, il se référait à la jurisprudence prononcée en droit commun par la Cour de cassation selon laquelle les frais exposés pour l’assistance d’un conseiller technique font partie du dommage et sont récupérables à charge de la partie qui succombe (Cass., 2 septembre 2004, Pas., 2004, 375 et Cass., 16 novembre 2006, Pas., 2006, 568).
La Cour constitutionnelle, en son arrêt du 28 avril 2016, rappelle que dans la matière des accidents de travail, l’article 68 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents de travail dispose que les dépens sont mis à charge de l’assureur loi et ce, quelle que soit l’issue du procès sauf si l’action est téméraire et vexatoire. Se fondant sur la ratio legis, la Cour souligne que cette mesure entend garantir aux assurés sociaux, telles les victimes d’accidents du travail, un meilleur accès à la justice en faisant peser le risque financier du procès sur les organismes de sécurité sociale, soit en l’occurrence sur l’assureur-loi.
La Cour constitutionnelle rappelle également que l’article 1018 du Code judiciaire énonce de manière limitative les frais qui sont compris dans les dépens, à savoir les droits de greffe, d’enregistrement, de timbre, le coût des actes judiciaires, le coût d’expédition des jugements, les frais liés aux mesures d’instruction (témoins, expert) et l’indemnité de procédure qui couvre de manière forfaitaire les frais et honoraires de l’avocat. La Cour constitutionnelle constate donc que les frais de conseiller technique ne sont pas couverts par les dépens.
Par ailleurs, la Cour constitutionnelle poursuit son raisonnement en précisant qu’ajouter aux dépens les frais liés au conseiller technique risquerait de « remettre en cause l’équilibre obtenu en matière d’accidents du travail ». Cette motivation constante de la Cour constitutionnelle est conforme à la ratio legis de la législation en matière d’accidents du travail. En effet, la loi sur les accidents du travail organise un système de réparation sans avoir égard à la responsabilité. En contrepartie, la réparation est forfaitaire et un régime d’immunité est mis en place en faveur de l’employeur, ses préposés et mandataires.
Enfin, la Cour constate que les assurés sociaux ne disposant pas de moyens financiers suffisants, peuvent toujours solliciter l’assistance judiciaire qui couvrira les frais d’assistance de leur médecin-conseil.
Dès lors, selon la Cour, l’impossibilité de mettre à charge de l’assureur-loi les frais d’assistance technique est raisonnablement justifiée et n’entraîne aucune limitation disproportionnée des droits des travailleurs concernés. Cet arrêt est donc de nature à mettre un terme à la controverse sur la question de la prise en charge des frais de conseiller technique des travailleurs, victimes d’accidents du travail (C. trav. Bruxelles, 8 septembre 2014, RG 2012/AB/957 ; C. trav. Mons, 28 octobre 2015, RG 2014/AM/334 ; C. trav. Liège, 12 juillet 2011, RG 2011/AN/038).