En vertu de l’article 19bis-11, § 2 de la loi du 21 novembre 1989, si plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de roulage et s’il n’est pas possible de déterminer lequel de ceux-ci a causé l’accident, l’indemnisation de la personne lésée est répartie, par parts égales, entre les assureurs couvrant la responsabilité civile des conducteurs de ces véhicules, à l’exception de ceux dont la responsabilité n’est indubitablement pas engagée.
Au départ, il semblait acquis que cette disposition visait le sort des personnes lésées innocentes, pour les cas où au moins deux véhicules étaient impliqués et dont les conducteurs contestaient réciproquement leur responsabilité vis-à-vis d’un troisième véhicule.
La Cour Constitutionnelle a affirmé le contraire puisque depuis l’arrêt du 3 février 2011, il est établi que le nombre de véhicules impliqués dans l’accident peut être seulement de deux (Arrêt N°21/2011).
Cet arrêt a suscité une certaine surprise : deux véhicules se percutent dans un carrefour muni d’un feu de signalisation. Les deux conducteurs prétendent qu’ils sont passés au vert. Nécessairement, à moins de prouver un dysfonctionnement des feux de signalisation, l’un d’eux est responsable mais, à défaut de témoin, il est impossible de déterminer lequel a franchi les feux lumineux à la phase rouge.
Conséquence de cet arrêt : les deux conducteurs vont être indemnisés.
Le conducteur Jean, assuré en RC automobile par A, va donc recevoir la moitié de son dommage de son assureur A et la moitié de son dommage par l’assureur B de Paul, il en va de même pour le conducteur Paul.
Quel dommage ? Le dommage corporel ou le(s) dommages corporel et /ou matériel ?
La Cour Constitutionnelle, dans son arrêt du 4 décembre 2014 (N°175/2014), a rappelé qu’il s’agissait d’un régime d’indemnisation automatique que la loi imposait aux assureurs de la responsabilité civile des conducteurs de véhicules automoteurs et peu importe si l’article 4, §1er, alinéa 2 de la Loi du 21 novembre 1989 limite la réparation aux dommages corporels puisque l’article 19bis-11, §2 ne contient aucune limitation en ce qui concerne la nature du dommage subi ni un renvoi à l’article 4, §1er, alinéa 2 de cette loi.
En d’autres termes, la Cour estime que tant le dommage matériel que le dommage corporel doivent être pris en charge par les assureurs.
Cependant, il convient de souligner que l’article 3, §1er, alinéa 3, 1° de la Loi de 1989 permet d’exclure le dommage subi par le véhicule assuré. Tel est l’objet de l’article 8, 1° du contrat-type qui exclut de l’assurance le dommage au véhicule assuré et aux bien transportés par ce véhicule (à l’exception des vêtements et bagages personnels des personnes transportées).
Ces dispositions signifient que l’assureur RC automobile ne doit jamais prendre en charge le dommage matériel du véhicule qu’il assure. Tel est en effet l’objet du contrat d’assurance non obligatoire « dégâts matériels ».
Il est donc défendable de soutenir que si on reprend notre exemple situé plus avant, le conducteur Jean va recevoir la ½ de son dommage corporel de son assureur A et la ½ de son dommage corporel et matériel de l’assureur B et vice et versa pour le conducteur Paul.
Décider le contraire, aboutirait à créer une forme déguisée d’assurances dégâts matériels et pourrait également aboutir à une nouvelle forme de dérive : favoriser les constats d’accidents mal remplis ou peu clairs.
La Cour Constitutionnelle aura peut-être encore à se prononcer sur ce point précis puisque le législateur semble ne pas vouloir préciser une bonne fois pour toutes les contours de cette disposition floue.
Rechtsanwält(e)