Celui qui dispose, en vertu d’un droit réel ou personnel, d'un attribut du droit de propriété sur un bien immobilier et qui, par son action ou son inaction, même non fautive, cause à son voisin un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, peut être condamné à compenser ce trouble (Cass., 6 avril 1960, Pas., 1960, p. 915).
Sur la base de la théorie des troubles de voisinage, seul le trouble présentant un caractère excessif peut donner lieu à une compensation.
Afin de déterminer si un trouble a effectivement rompu l’équilibre entre deux propriétés voisines, les cours et tribunaux appliquent communément le critère de la préoccupation collective. Il s’agit d’apprécier le caractère anormal du trouble en se référant aux troubles normaux de voisinage tels que définis par un ensemble de personnes vivant dans un environnement déterminé (voy. P. LECOCQ, Manuel de droit des biens, t. I, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 131).
Toutefois, lorsque l'auteur des troubles de voisinage est un pouvoir public, le juge doit également tenir compte dans son appréciation des charges que tout particulier doit supporter dans l'intérêt collectif (S. BOUFFLETTE et E. JADOUL, « Relations de voisinage », in Questions pratiques de (co)propriété, de possession et de voisinage, Liège, Anthémis, 2018, p. 66, n°6 ; Cass., 28 janvier 1991 et 23 mai 1991, J.L.M.B., 1991, pp. 1027 et 1029).
Le Juge de paix du 3ème canton de Charleroi a récemment fait application de ces principes dans un litige opposant un pouvoir public à deux particuliers. Ces derniers se plaignaient d’importantes nuisances dues à la présence de deux arbres imposants sur le fonds public voisin.
Dans un jugement du 8 janvier 2020, le tribunal a relevé qu’en présence d’un pouvoir public, il convient de prendre en considération « l’intérêt que représente un espace vert pour l’environnement, surtout en milieu urbain ou semi-urbain, et de la sauvegarde de la nature tant sur le plan de la flore que de la faune ». Il a estimé que « dans ce cadre, il est certain que le riverain d’un tel espace vert doit supporter, dans l’intérêt de la collectivité, des inconvénients qu’un particulier ne pourrait pas lui imposer ».
Au vu de l’intérêt collectif majeur que présente l’espace vert voisin, le tribunal a conclu à l’absence de troubles excessifs dans le chef des demandeurs et a déclaré leur demande de compensation non fondée.