Sous le prisme du droit belge, la surveillance des travailleurs sur le lieu de travail par l’entremise de caméras est strictement réglementée, notamment par la convention collective de travail numéro 68 relative à la protection de la vie privée des travailleurs.
Ainsi, des caméras de surveillance ne pourront être installées sur le lieu de travail que si l’objectif poursuivi par l’employeur est légal et si le contrôle exercé est à la fois proportionnel et transparent. A ce titre, l’employeur devra préalablement informer les travailleurs – le cas échéant au travers de ses organes consultatifs – de la présence de caméras sur le lieu de travail et des règles régissant le système mis en place.
Sous le prisme du droit européen, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rendu le 9 janvier 2018 un arrêt de chambre (requête n° 1874/13) se prononçant sur la légalité de la preuve apportée par l’entremise d’une vidéo surveillance secrète de caissières dans un supermarché espagnol.
Soupçonnées de vol, la vidéo surveillance avait été réalisée à l’insu des employées et avait permis d’établir les soupçons de vol de telle sorte que les travailleuses furent licenciées principalement sur la base de ces enregistrements vidéo. Les juridictions espagnoles, saisies du dossier, admirent les enregistrements comme éléments de preuve et confirmèrent les décisions de licenciement.
La Cour Européenne, saisie de l’affaire, a constaté que, en vertu de la législation espagnole sur la protection des données, les travailleuses auraient dû être informées du fait qu’elles étaient placées sous surveillance, ce qui ne fut pas le cas. La Cour conclut dès lors à la « violation du droit au respect de la vie privée » des travailleurs en contravention à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour Européenne considère néanmoins que la procédure dans son ensemble a été équitable car les enregistrements vidéo ne sont pas les seuls éléments de preuve sur lesquels se sont appuyées les juridictions nationales pour confirmer les décisions de licenciement et que les travailleuses ont été en mesure de contester ces enregistrements devant les juridictions. La Cour estime donc que l’article 6 §1er de la Convention européenne des droits de l’homme, soit le droit à un « procès équitable », a été respecté.
En définitive, cet arrêt permet de rappeler l’importance en amont du droit au respect de la vie privée des travailleurs, les règles nationales comme la convention collective de travail numéro 68 permettant aux employeurs et aux travailleurs d’en connaître les contours et les limites. En aval, la recevabilité des éléments de preuve produits en contravention de la législation pourra néanmoins être éventuellement accueillie, notamment au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour de cassation (jurisprudence « Antigone et Manon »).