Le point sur la publicité des sous-critères d'attribution et leur pondération

 

Cadre législatif et réglementaire

 

L’article 115, alinéa 2, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 impose aux pouvoirs adjudicateurs de mentionner dans le cahier spécial des charges et éventuellement dans l'avis de marché tous les critères d'attribution, si possible dans l'ordre décroissant de l'importance qui leur est attribuée, à défaut de quoi les critères d'attribution ont la même valeur. Pour les marchés publics atteignant les montants pour la publicité européenne, cette disposition prévoit que le pouvoir adjudicateur doit en outre préciser,  si cela est possible, la pondération relative de chacun des critères d'attribution.

 

La question restait ouverte d’une part, de savoir si l’économie de la réglementation n’imposait pas également de publier la pondération des critères d’attribution et, d’autre part, de savoir si les pouvoirs adjudicateurs étaient également tenus de faire connaître les éventuels sous-critères, leur pondération, voire la méthode d’analyse de chaque critère d’attribution.

 

Jurisprudence de la Cour de justice et du Conseil d’Etat

 

Dans différents arrêts la Cour de Justice a considéré qu’il résulte des obligations de publicité prévues par les directives européennes applicables, lues à la lumière du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et de l’obligation de transparence qui en découle, que  "tous les éléments pris en considération par le pouvoir adjudicateur pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse et leur importance relative doivent être connus par les soumissionnaires potentiels au moment de la préparation de leurs offres". Par conséquent, le pouvoir adjudicateur ne peut, dans le cadre d’une procédure de passation de marché, fixer ultérieurement des coefficients de pondération et des sous-critères pour les critères d’attribution mentionnés dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché (C.J.C.E., 24 novembre 2005, ATI EAC, C-331/04, pt. 24 ; C.J.U.E., 24 janvier 2008, Lianakis, C-532/06, pt 36).

 

La légalité de l’utilisation des sous-critères et de la pondération correspondante doit cependant toujours être examinée en fonction  du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques et de l’obligation de transparence qui en découle. Il n’existe donc pas d’interdiction totale et absolue pour un pouvoir adjudicateur de spécifier plus en détail un critère préalablement porté à la connaissance des soumissionnaires et de lui accorder une pondération.

 

Un pouvoir adjudicateur peut donc déterminer, après l’expiration du délai de présentation des offres, des coefficients de pondération pour les sous‑critères qui correspondent en substance aux critères préalablement portés à la connaissance des soumissionnaires, sous trois conditions, à savoir que cette détermination ex post :

-Premièrement, ne modifie pas les critères d’attribution du marché définis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché,

-deuxièmement, ne contienne pas d’éléments qui, s’ils avaient été connus lors de la préparation des offres, auraient pu influencer cette préparation et, 

troisièmement, n’ait pas été adoptée en prenant en compte des éléments susceptibles d’avoir un effet discriminatoire envers l’un des soumissionnaires (C.J.C.E., 21 juillet 2011, Evropaïki Dynamiki, C-252/10 P, pt 32-33).

Le Conseil d’Etat s’est rangé à cette jurisprudence, en en étendant même la portée aux marchés non soumis à la publicité européenne (C.E.,  213.722 du 7 juin 2011 ; C.E., n°207.848 du 4 octobre 2010 ; R. v. St., nr. 200.752 du 11 février 2010 ; R. v. St., nr. 198.917 du 15 décembre 2009 ; R. v. St., nr. 187.885 du 13 novembre 2008 ; R. v. St., n° 183.809 du 5 juin 2008). 

Notre conseil

Compte tenu de cette jurisprudence, les pouvoirs adjudicateurs devraient privilégier la transparence et publier les critères d’attribution, les sous-critères d’attributions ainsi que leur pondération, tant pour les marchés européens que pour ceux qui ne sont pas soumis à publicité européenne.

Ils agiront prudemment en faisant état de la méthode d’évaluation qu’ils comptent employer si celle-ci ne se déduit pas de l’énoncé des critères et/ou sous critères et est de nature à influencer la préparation des offres.

De la même manière, l’exigence de publicité devrait, selon nous, également trouver à s’appliquer aux sous-sous-critères d’attribution, s’il s’avère que ceux-ci peuvent influencer la préparation des offres.