L’article 19bis-11 paragraphe 2 de la loi du 21 novembre 1989 précise que « si plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident et s’il n’est pas possible de déterminer lequel de ceux-ci a causé l’accident, l’indemnisation de la personne lésée répartie par parts égales, entre les assureurs couvrant la responsabilité civile des conducteurs de ce véhicule, à l’exception de ceux dont la responsabilité n’est indubitablement pas engagée ».
Cet article laisse cependant une dérogation à l’article 19bis-11,7° de la même loi, qui précis que les personnes qui sont victimes d’un accident causé par un véhicule non identifié ne peuvent prétendre qu’à l’indemnisation par le Fonds commun de leur préjudice corporel. Cette exception vise à restaurer une inégalité qui avait été critiquée par la Cour d’arbitrage, par un arrêt du 20 septembre 2000 puis du 3 février 2011, et qui considérait qu’il y avait là une dérogation entre les victimes d’un accident causé par un véhicule non identifié, qui était indemnisé de leur préjudice corporel, et les victimes d’un accident dont les responsabilités ne pouvaient être déterminées, et dont le préjudice corporel n’était pas indemnisé.
Certains plaideurs ont profité de cette modification de loi pour tenter de l’étendre au dommage corporel. Cela aurait ainsi pour conséquence que tout accident, quelles qu’en soient les conséquences, seraient indemnisées, même si les responsabilités ne peuvent être déterminées.
L’enjeu est donc conséquent.
La jurisprudence majoritaire considère cependant bien que le paragraphe 2 de l’article 19bis-11 constitue bien une dérogation à l’article 19bis-11,7° qui ne vise que le dommage corporel. C’est ce qu’a décidé, notamment, le Tribunal de première instance de Charleroi, par un jugement du 7 février 2013 (C.R.A. 2013, p.38) qui précise que « la notion de personne lésée telle que visée à l’article 19bis-11, paragraphe 2 est limitée aux personnes physiques ayant subi un dommage corporel, ce qui exclut le propriétaire du véhicule qui réclame une indemnisation du dommage matériel subi à son véhicule ».
Par un jugement le 31 janvier 2014 par la 4ème chambre du Tribunal de première instance de Liège siégeant en appel, celle-ci a confirmé que « comme l’article 19bis-11 paragraphe 2 fait expressément référence à l’article 19bis-11 paragraphe 1er, 7° dont il est une dérogation, et sous peine de créer une nouvelle discrimination, seule l’indemnisation du dommage corporel subi par les personnes lésées pourrait être admise dans le cas où les conditions d’application de l’article 19bis-11 paragraphe 2 seraient réunies ».
Certains plaideurs maintiennent cependant l’argument, en prétendant que ces dispositions créent une nouvelle discrimination, entre les victimes d’un préjudice corporel d’une part, qui sont indemnisées dans l’hypothèse où les responsabilités ne sont pas déterminées, et les victimes d’un préjudice matériel, qui ne le sont pas.
Il nous semble quant à nous que cette différence de traitement est justifiée notamment par le fait que dans l’hypothèse d’un préjudice corporel, les craintes de fraude sont peu élevées, tandis que dans l’hypothèse d’un préjudice matériel, la tentation serait élevée dans le chef de certains assurés d’obtenir par ce biais une indemnisation qui n’est pas due.
Quoi qu’il en soit, la Cour constitutionnelle sera appelée à trancher cette question sous peu, puisque cette question préjudicielle vient d’être posée par le Tribunal de police de Liège.
La suite dans un prochain numéro…