Dans notre newsletter du mois de janvier 2014, nous vous informions de l’importante réforme du Conseil d’Etat adoptée par le législateur fédéral. Pour l’essentiel, cette réforme est entrée en vigueur le 1er mars 2014. Les premières décisions rendues sur la base des nouvelles procédures tombent donc.
Naturellement, ces premières décisions concernent des procédures de référé en extrême urgence.
Comme nous vous l’annoncions dans la newsletter de janvier, l’un des principaux changements apportés à la procédure de référé est le remplacement de l’exigence d’un risque de préjudice grave et difficilement réparable (que l’exécution immédiate de l’acte causerait au requérant) par celle de l’urgence de la demande.
Les travaux préparatoires de la loi justifie ce remplacement en soulignant les inconvénients du recours au risque de préjudice grave et difficilement réparable : « il donne lieu à une jurisprudence abondante et parfois disparate, qui rend cette notion difficilement objectivable. Elle exige un examen minutieux qui se fait au détriment de celui du caractère sérieux des moyens » (Doc. Parl. Sénat, S.O. 2012/2013, n° 5-2277/1, p.5).
Pour définir l’urgence, les travaux préparatoires se réfèrent à la jurisprudence en matière de référé judiciaire selon laquelle qu’il y a urgence « dès que la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable » (Liège, 28 juin 2000, J.L.M.B., 2000, p. 1042 ).
La volonté de simplification du législateur était donc claire. La lecture des premiers arrêts du Conseil d’Etat fait cependant craindre que la Haute Juridiction ait une autre interprétation de la notion d’urgence qui, indirectement, ferait ressurgir celle de préjudice grave et difficilement réparable.
Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2014, 226.770, Lovatt, le Conseil d’Etat définit l’urgence en ces termes : « l’urgence, qui est à la base du référé ordinaire, suppose qu’il y ait une crainte sérieuse d’un préjudice grave, voire d’un dommage irréparable, que subirait le requérant s’il devait attendre l’issue de la procédure en annulation ».
Le Conseil d’Etat ne donne pas corps concrètement à cette définition de principe parce qu’il estime qu’en l’espèce, le dommage est consommé, les travaux que la procédure visait à empêcher étant réalisés.
Mais il n’en reste pas moins que cette interprétation de la notion d’urgence peut faire naître des craintes de voir cet aspect de la réforme vidé de sa portée.
En forme d’espoir, nous relevons que le Conseil d’Etat a rendu un autre arrêt dans le cadre d’une procédure de suspension d’extrême urgence le 12 mars 2014 dans lequel il ne fait pas mention de l’exigence d’un préjudice grave pour qu’existe l’urgence ( C.E., 12 mars 2014, 226.721, Berger). Il y précise que la recevabilité du recours à la procédure d’extrême urgence est « soumise à la double condition de l’imminence d’une atteinte aux intérêts du requérant causée par l’exécution immédiate de l’acte attaqué et de la diligence du demandeur de prévenir cette atteinte et de saisir le Conseil d’Etat ». Cette référence à l’imminence d’une atteinte aux intérêts du requérant nous semble plus conforme aux principes de la jurisprudence judiciaire et donc à la volonté du législateur.
Nous suivrons, avec grand intérêt, l’évolution de la jurisprudence au cours de prochaines semaines et des prochains mois.