L’arrêt du Conseil d’Etat du 24 mars 2011, 212.228, SOORS, avait sonné comme un coup de tonnerre en posant désormais que « à défaut de titre évident, la demande de permis doit contenir une justification de la possibilité pour le demandeur de mettre en œuvre le permis qu'il sollicite ».
Cette jurisprudence a été critiquée au motif qu’elle portait atteinte à un principe, jusque-là reconnu tant par la doctrine que par la jurisprudence, selon lequel le permis délivré ne porte pas atteinte aux droits des tiers.
Cette jurisprudence posait, de surcroît, un problème considérable lorsque la réalisation des travaux nécessite des expropriations. En effet, dans ce cas, plusieurs juridictions civiles considèrent que l’utilité publique n’est pas démontrée lorsque les permis autorisant les travaux justifiant l’expropriation ne sont pas délivrés. Et que dire de la preuve de l’extrême urgence à exproprier lorsque, comme dans l’immense majorité des cas, l’expropriation est poursuivie sur la base de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ?
Dans un arrêt du 29 juillet 2015, 232.006, Petrodis, le Conseil d’Etat met un bémol à sa jurisprudence « SOORS » et considère désormais que « s'agissant de travaux d'utilité publique, l'administration a le pouvoir d'exproprier les terrains qui lui sont nécessaires pour la réalisation de tels travaux; que, comme le relève la partie adverse, "exiger que l'autorité exproprie «à l'aveugle» avant même qu'un permis ne lui soit délivré, contreviendrait au principe d'utilité publique consacré par l'article 16 de la Constitution et à l'article 1er du 1 er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme" ».
Il en résulte que l’autorité qui dispose d’un pouvoir d’expropriation pour réaliser des travaux ne doit pas justifier de la possibilité de mettre en œuvre le permis qu'elle sollicite pour réaliser ces travaux.