Afin de redynamiser l’emploi des 55 à 65 ans en Belgique, le législateur belge a pris des mesures de trois ordres visant plus particulièrement à :
a) Décourager le départ anticipé des travailleurs âgés (réforme du système de prépension) ;
b) Faire prendre conscience aux entreprises de la valeur des travailleurs âgés et de l’intérêt que présente une pyramide d’âges équilibrée (plan relatif à l’emploi) ;
c) Eviter que les travailleurs âgés soient systématiquement sacrifiés en cas de licenciement collectif.
1. Réforme du système de prépension (aujourd’hui CCE : chômage avec complément d’entreprise)
Nous vous avions avisés, dans notre dernière infonews du mois de janvier 2012 de la révision du système de prépension en Belgique, avec :
- Une suppression de la prépension à mi-temps à partir du 1er janvier 2012 (des mesures transitoires sont cependant prévues notamment pour les accords passés avant le 28 novembre 2011) ;
- Un renforcement des conditions d’âge et d’ancienneté pour accéder à la prépension classique ou à la pension anticipée. A noter que depuis lors, le législateur a confirmé le maintien des départs en prépension à 56 ans pour longue carrière (40 ans) jusqu’au 31 décembre 2015 avec en outre un assouplissement de la condition de carrière.
Dans le prolongement de ces mesures, le Conseil des Ministres a décidé d’augmenter à nouveau drastiquement les cotisations patronales en matière de prépension et pseudo prépension. La dernière augmentation remonte pourtant seulement au mois d’avril 2010.
Trois systèmes cohabitent à présent :
- L’ « ancien système », soit les prépensions ayant pris cours avant le 1er avril 2010, ou avec une notification du préavis avant le 16 octobre 2009.
- Le « système intermédiaire », soit les prépensions ayant pris cours à partir du 1er avril 2010, avec une notification après le 15 octobre 2009.
- Le « nouveau système », soit les prépensions ayant pris cours à partir du 1er avril 2012, avec une notification après le 28 novembre 2011.
Prépension | Ancien système (augmentation de 10 % à partir du 1er avril 2012) | Système intermédiaire (augmentation de 10 % à partir du 1er avril 2012) | Système nouveau (à partir du 1er avril 2012) |
Les cotisations sont dégressives et changent au fur et à mesure que le travailleur vieillit | Le pourcentage est définitivement figé au jour où la prépension commence | Le pourcentage est définitivement figé au jour où la prépension commence | |
– de 52 ans | 33 % | 55 % | 100 % |
52 à 55 ans | 26,40 % | 44 % | 95 % |
55 à 58 ans | 19,80 % | 33 % | 85 % |
58 à 60 ans | 13,20 % | 22 % | 55 % |
60 ans et + | 6,60 % | 11 % | 25 % |
Canada dry (pseudo prépension) | Pourcentage fixe | Pourcentage figé au jour où la pseudo prépension commence | Pourcentage figé au jour où la pseudo prépension commence |
| Augmentation | Augmentation de 10 % avec un minimum de 38,82% | Augmentation – Pourcentages identiques à la prépension avec un minimum de 38,82 % |
| 38,82 % (en lieu et place de 32,25 %) | Entre 55% et 38,82 % en fonction de l’âge de prise en cours | Entre 100 % et 38,82 % en fonction de l’âge de prise en cours. |
Les cotisations des travailleurs ne sont actuellement pas modifiées (6,5 % calculés sur les allocations sociales et indemnités complémentaires). Par ailleurs, des pourcentages dérogatoires sont prévus dans le secteur non marchand.
Le CNT a immédiatement réagi à ces nouvelles dispositions qui ont pour effet d’augmenter de manière plus que sensible les cotisations, en ce compris dans le cadre de départ en prépension à l’âge de 60 ans. Dans un avis n° 1798 du 4 avril 2012, établi sur proposition du législateur, le CNT propose principalement de :
- Modifier l’augmentation pour les prépensions ayant pris cours avant le 1er avril 2012, avec une majoration de 6 % en lieu et place des 10 % décidés par le gouvernement ;
- Pour les nouvelles prépensions ayant pris cours à partir du 1er avril 2012, limiter le taux applicable pour les tranches de 55 à 57 ans et de 58 à 59 ans à 50 % en lieu et place de, respectivement 55 et 85 %.
En guise de compensation, le CNT propose :
- Une augmentation du précompte professionnel à 20 % (actuellement 18,75 %) sur les allocations de chômage temporaires légales et extralégales, et ce à partir du 1er juillet 2012 ;
- La suppression des régimes d’aménagement de fin de carrière spécifiques au secteur de la construction ;
- Une augmentation des recettes sur les pseudo-prépensions via un contrôle plus important.
Nul ne doute qu’au regard des majorations importantes de cotisations, un employeur avisé réfléchira à deux fois avant de licencier un travailleur âgé avec les conséquences que cela implique en matière de coût jusqu’à l’âge de la pension de ce dernier.
2. Plan relatif à l’emploi pour les travailleurs âgés
A dater du 31 mars 2013, les entreprises qui occupent plus de 20 travailleurs seront obligées de rédiger chaque année un plan relatif à l’emploi des travailleurs âgés, plan par lequel il sera fait état des efforts fournis pour le maintien ou l’augmentation au travail des personnes âgées de 45 ans et plus. Ce plan devra être soumis aux représentants des travailleurs au 31 mars de chaque année (CE et à défaut, pour avis CPPT, DS ou travailleurs).
Il s’agit avant tout d’un document interne. Des modèles pourront être établis par le SPF Emploi, travail et concertation sociale.
Le CNT dispose cependant de la possibilité jusqu’au 30 juin 2012 de prévoir une mesure alternative par CCT, de sorte que le régime qui sera effectivement mis en œuvre reste à déterminer.
3. Licenciement collectif et respect de la pyramide des âges
L’ensemble des employeurs qui relèvent de l’application de la loi sur les conventions collectives de travail devront à présent, en cas de licenciement collectif, veiller à ce que ce licenciement soit réparti sur les trois groupes d’âge ( <30 ans, de 30 à 50 ans, 50 ans et +, l’âge étant apprécié au moment de la notification du projet de procéder à un licenciement collectif).
Ne sont pas visés par l’application de cette nouvelle mesure les licenciements collectifs liés à une procédure de faillite, de liquidation judiciaire dans le cadre de la loi sur la réorganisation des entreprises, ou de fermeture complète de l’entreprise concernant tous les travailleurs.
Des tempéraments sont par ailleurs prévus, dont une tolérance de 10 % par groupe d’âge ainsi que la possibilité d’exclure de la nouvelle réglementation les travailleurs exécutant un poste clé et dont l’ absence mettrait en péril l’organisation du travail de l’entreprise.
Cette mesure ne crée aucun droit individuel dans le chef des travailleurs : ils ne pourraient en conséquence pas contester les plans sociaux négociés au motif que la pyramide des âges n’aurait pas été respectée. Par contre, l’employeur qui ne respecte pas cette disposition perdra le droit à aux réductions (structurelles et groupe cible) de cotisations de sécurité sociale pour une période de deux ans (huit trimestres) pour les travailleurs âgés d’au moins 50 ans, licenciés dans le cadre du licenciement collectif.