1. Rappel des dispositions actuellement en vigueur : la loi-programme (I) du 27 décembre 2006
Les travailleurs revendiquent parfois à tort le statut d’indépendant. En cas de litige entre les co-contractants, avec l’ONSS, les organisations de perception de sécurité sociale ou encore avec l’administration fiscale, se pose un problème de requalification des relations contractuelles. Le critère déterminant, en vue de qualifier les dites relations, est la présence ou non d’un lien de subordination entre les parties. Lorsqu’un travail est presté contre rémunération sous l’autorité d’une autre personne, il s’agit d’un contrat de travail. L’absence de lien de subordination entre les parties contractantes constitue la preuve de l’existence d’un contrat d’entreprise conclu entre un indépendant et son co-contractant. L’enjeu est donc de déterminer dans quelle hypothèse il existe un lien de subordination.
La loi-programme (I) du 27 décembre 2006 a, pour l’essentiel, consacré l’enseignement de la jurisprudence dans un texte précisant les critères à prendre en compte en vue de distinguer le travailleur salarié du travailleur indépendant. Cette loi pose pour principe que les parties peuvent choisir librement la nature de leur relation de travail, dont l’exécution effective doit toutefois être en concordance avec la nature de la relation retenue.
Elle précise ensuite des critères généraux et spécifiques permettant d’apprécier l’existence ou non d’un lien de subordination, en reprenant également des critères neutres, c’est-à-dire ceux n’ayant aucune incidence quant à la qualification des relations contractuelles.
A titre de critères généraux, la loi-programme énonce :
- la volonté des parties telle qu’exprimée dans leur convention;
- la liberté dans l’organisation du temps de travail;
- la liberté dans l’organisation du travail et la possibilité d’un contrôle hiérarchique, même si celui-ci n’est pas exercé de manière effective.
Par ailleurs, la loi-programme dispose que des critères spécifiques propres à un secteur, à une ou plusieurs professions ou à une ou plusieurs catégories de professions, pourront être établis par la commission de règlement de la relation de travail. Cette commission n’ayant néanmoins jamais été opérationnelle, aucun critère spécifique n’a donc pu être déterminé.
Enfin, la loi-programme énonce des critères neutres, c’est-à-dire ceux qui sont, à eux seuls, impuissants à qualifier adéquatement la relation de travail : l’intitulé de la convention, l’inscription auprès d’un organisme de sécurité sociale, l’inscription à la Banque-carrefour des entreprises, l’inscription auprès de l’administration de la TVA ou encore la manière dont les revenus sont déclarés à l’administration fiscale.
2. Modification législative : la loi du 25 août 2012
2.1. Présomption réfragable d’existence d’un contrat de travail
A. Champ d’application
Par l’entremise de la loi du 25 août 2012, le législateur a voulu simplifier, dans certains domaines d’activités, la qualification devant être donnée aux relations contractuelles en établissant une présomption d’existence d’une relation de travail salariée sur la base de certains critères préalablement définis.
Les quatre secteurs visés par la loi sont les suivants :
- Le secteur de la construction : le secteur des travaux immobiliers;
- Le secteur de la construction : le secteur des travaux immobiliers;
- le secteur des services de surveillance et de gardiennage pour le compte de tiers;
- le secteur du transport de biens et de personnes pour le compte de tiers à l’exception des services d’ambulance et du transport de personnes handicapées;
- le secteur du nettoyage.
La loi du 25 août 2012 ajoute que la présomption de soumission au régime d’un travail salarié ne s’applique pas aux relations de travail familial, celles-ci étant définies comme étant celles existant entre des parents et des alliés jusqu’au 3ème degré inclus et entre les cohabitants légaux, outre des relations de travail entre une société et une personne physique, celle-ci étant un parent ou un allié jusqu’au 3ème degré inclus ou un cohabitant légal, soit de celui qui a lui seul, soit de ceux qui ensemble, détiennent plus de 50 % des actions de la société en question.
B. Critères permettant d’identifier les faux indépendants
Pour les quatre secteurs visés ci-avant, une liste de neuf critères a été établie par le législateur en vue de qualifier les relations contractuelles.
En analysant les relations contractuelles, s’il apparaît que plus de la moitié des critères ne sont pas rencontrés, la personne qui exécute le travail est considérée comme faux indépendant et la relation de travail est présumée, jusqu’à preuve du contraire, être un contrat de travail. Il s’agit des neuf critères suivants:
1. défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, d'un quelconque risque financier ou économique ; la loi précise que c'est notamment le cas à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du capital propre ou à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de l'entreprise;
2. défaut dans le chef de l'exécutant des travaux, de responsabilité et de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de l'entreprise dans le chef de l'exécutant des travaux;
3. défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de tout pouvoir de décision concernant la politique d'achat de l'entreprise;
4. défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision concernant la politique des prix de l'entreprise, sauf si les prix sont légalement fixés;
5. défaut d'une obligation de résultats concernant le travail convenu ;
6. la garantie du paiement d'une indemnité fixe quel que soient les résultats de l'entreprise ou le volume des prestations fournies dans le chef de l'exécutant des travaux;
7. ne pas être soi-même l'employeur de personnel recruté personnellement et librement ou ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel ou de se faire remplacer pour l'exécution du travail convenu;
8. ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou de son cocontractant ou travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant;
9. travailler dans des locaux dont on n'est pas le propriétaire ou le locataire ou avec du matériel mis à sa disposition, financé ou garanti par le cocontractant.
La loi du 25 août 2012 ajoute que le Roi peut, par arrêté royal, établir des critères spécifiques pour certains secteurs et certains métiers. Sur cette base, il peut également remplacer ou compléter les critères visés ci-avant.
2.2. Commission administrative de règlement de la relation de travail
Comme rappelé ci-avant, afin de faciliter la qualification des relations de travail, la loi programme du 27 décembre 2006 a institué une « commission de règlement de la relation de travail » destinée :
- tantôt, en ses chambres administratives, à déterminer concrètement dans chaque dossier dont elle est saisie quel système de sécurité sociale doit s'appliquer à la relation de travail,
- tantôt, en sa section législative, à fixer des critères spécifiques propres à un secteur déterminé, à une ou plusieurs professions ou à une ou plusieurs catégories de professions, permettant de qualifier les relations contractuelles.
La commission n'a cependant jamais été opérationnelle. Par la loi du 25 août 2012, le législateur a donc supprimé la section législative de la commission et, ce faisant, modifié son intitulé comme suit « commission administrative de règlement de la relation de travail ». Dorénavant, la commission, une fois opérationnelle, demeurera compétente pour donner un avis quant à la qualification à donner à une relation contractuelle dans une situation concrète déterminée.
Par ailleurs, désormais, s'applique une nouvelle procédure simplifiée à suivre pour établir des critères spécifiques d'évaluation de la relation de travail propres à un secteur d’activités. Ainsi, la loi du 25 août 2012 dispose que le Roi détermine les critères spécifiques, après avis du comité de direction du bureau fédéral d'orientation du service d'information et de recherche sociale des commissions ou sous-commissions paritaires compétentes. A défaut d'une commission ou sous-commission paritaire compétente ou effective, cet avis est donné par le Conseil National du Travail du Conseil supérieur des Indépendants et des P.M.E.
2.3. Entrée en vigueur de la loi-programme du 25 août 2012
Les dispositions ci-dessus exposées entrent en vigueur le 1er janvier 2013. Il peut cependant être déterminé une date d’entrée en vigueur antérieure par arrêté royal.